Peter Pellegrini a exhorté l’ancien premier ministre Robert Fico, poids lourd de la politique slovaque, à quitter la présidence du parti Smer-SD qu’il a fondé.
C’est l’avenir d’un parti qui a régné sur la Slovaquie pendant une décennie qui se joue en ce moment. Pour la première fois, son vice-président, Peter Pellegrini, a appelé Robert Fico à quitter le parti qu’il a fondé, qu’il incarne et dont il reste le président. Pour le bien du parti et de la social-démocratie en Slovaquie, quittez la vie politique, lui a adressé en substance Pellegrini, lors d’une conférence de presse mardi. « Monsieur le président, aujourd’hui vous avez une dernière chance d’éviter le sort de Vladimír Mečiar et de Mikuláš Dzurinda [deux dirigeants qui ont emporté leur parti dans leur chute]. Vous avez aujourd’hui l’opportunité unique de donner au parti l’espoir d’un avenir meilleur », a déclaré Pellegrini, ajoutant qu’il en allait de l’avenir du Smer-SD mais aussi la social-démocratie slovaque.
La tension couve depuis des mois entre les deux hommes et s’est exacerbée avec la volonté affichée par Pellegrini de prendre les rênes du parti. Ce dernier a choisi de décocher la flèche, qu’il avait soigneusement préparée, juste après que Fico a exclu de se retirer : « Je n’ai nulle part d’autre où aller, ce parti est ma création », a-t-il affirmé mardi. « Le SMER-SD a besoin de bagarreurs et pas de mauviettes libérales », a-t-il ajouté, pointant du doigt Pellegrini.
La querelle entre les deux politiciens révèle une fracture politique qui n’a fait que s’élargir entre deux courants du Smer : Peter Pellegrini veut arrimer le parti dans le courant social-démocrate ouest-européen (le Smer est affilié aux Sociaux-démocrates européens (S&D), tandis que Robert Fico, qui revendique son appartenance à la gauche, privilégie un style de gouvernance populiste et se verrait plus à l’aise dans une coalition nationaliste que libérale.
Lors des élections législatives qui se sont déroulées au début du printemps, à l’issue desquelles le Smer a été délogé du pouvoir, la question s’est posée de faire alliance ou non avec le parti d’extrême-droite et néofasciste Notre Slovaquie (L’SNS). Une option qu’a rejeté Peter Pellegrini, mais pas Robert Fico. La fracture s’est rouverte récemment avec le cas du député Ján Podmanický, poussé hors du parti récemment après avoir prôné une alliance au parlement avec L’SNS.
« Puisque je ne veux pas être un obstacle au virage encore plus important de Smer-SD vers la gauche, a déclaré Ján Podmanický, et que je ne partage pas les opinions de Peter Pellegrini, qui est à mes yeux plus un libéral qu’un politicien de gauche […], j’ai décidé de démissionner du poste de président régional du parti à Zilina, de résilier mon adhésion au groupe parlementaire du parti, ainsi que mon adhésion au Smer-SD ».
Il reste à voir si Peter Pellegrini peut recueillir les soutiens nécessaires pour renverser Fico. S’il échoue à mettre à la retraite le poids lourd de la politique slovaque ces quinze dernières années, il quittera le Smer pour lancer sa propre formation. Des membres du parti proposent un compromis consistant à offrir une présidence d’honneur à Robert Fico.