Depuis le 25 mars et jusqu’au 24 juillet, le Musée d’art moderne de la ville de Paris présente l’œuvre et la vie de Toyen, immense personnalité de la culture tchèque, qui a vécu la majeure partie de sa vie à Paris.
Née Marie Čermínová en 1902, dans un quartier ouvrier de Prague, l’artiste a été proche des anarcho-communistes et membre du groupe d’avant-garde tchécoslovaque Devětsil. De son amitié de longue date avec le peintre, l’écrivain et le photographe Jindřich Štyrský naîtra « La revue érotique », dans laquelle elle publie ses premiers dessins érotico-humoristiques. À partir de 1925, ils passent ensemble quatre ans à Paris, où ils inventent un nouveau style pictural, « l’Artificialisme ».
Coupe à la garçonne, costume d’homme et regard direct : dès sa jeunesse, Toyen s’est démarquée des standards de la féminité pour s’imposer dans le monde masculin de l’avant-garde artistique européenne du XXe siècle. Toyen fréquenta les surréalistes : André Breton, Paul Eluard ou Benjamin Péret, et elle était parmi les fondateurs du mouvement surréaliste tchèque en 1934.
Toyen, artiste de l’avant-garde tchécoslovaque, célébrée de Prague à Paris
De 1939 à 1945, sous l’occupation nazie, Toyen vit à Prague dans une semi-clandestinité, et héberge dans sa salle de bain son ami, le poète Jindřich Heisler (1914-1953), forcé de se cacher parce qu’en tant que juif, il a refusé de prendre le transport de la mort.
En 1947, pour échapper au stalinisme, Toyen et Heisler s’installent définitivement à Paris et y retrouvent les surréalistes revenus de l’exil américain. Dès lors, Toyen participe à la plupart des manifestations du groupe : expositions, pétitions, revues, livres en dialogue avec des poètes.
Dans les années 1960, elle imagine deux livres-objets pour l’éditeur François Di Dio et, dans les années 1970, collabore aux publications du collectif Maintenant fondé par Radovan Ivšić, avec Annie Le Brun, qui la considère comme « le personnage le plus romantique du surréalisme ». Elle illustre plusieurs recueils et pièces de théâtre. Singulière en tout, Toyen n’a cessé de dire qu’elle n’était pas peintre, alors qu’elle est parmi les rares à révéler la profondeur et les subtilités d’une pensée par l’image, dont la portée visionnaire est encore à découvrir.
Toyen n’a pas oublié sa terre natale, comme en témoigne, par exemple, le cycle de peintures Les enseignes de la vieille Prague. Son travail conservant un caractère spécifique et original, elle continue d’être une illustratrice recherchée et participe à un certain nombre d’expositions collectives et individuelles. Cependant, au cours des dix dernières années de sa vie, elle est de plus en plus seule. Elle supporte difficilement la dissolution du groupe surréaliste parisien en 1969. Ses amis ont progressivement quitté ce monde. En 1973 une des dernières expositions dans la galerie et librairie parisienne Les Mains Libres est consacrée son œuvre livresque.
Toyen est mort le 9 novembre 1980 à Paris. Elle a essayé de travailler jusqu’à ses derniers jours. Ses obsèques ont eu lieu au cimetière des Batignolles à Paris, où sont également enterrés ses amis André Breton et Benjamin Péret. La presse tchécoslovaque a passé sa mort sous silence. Longtemps considérée comme marginale, son œuvre a été injustement occultée. Ce n’est qu’après sa mort, à la faveur des enchères organisées pour régler sa succession, que ses toiles ont, enfin, retrouvé la lumière.
Cette grande rétrospective est présentée successivement à Prague, Hambourg et Paris, et constitue un événement qui permet de découvrir la trajectoire exceptionnelle d’une artiste majeure du surréalisme qui s’est servie de la peinture pour interroger l’image. Cent-cinquante œuvres (peintures, dessins, collages et livres venant de musées et de collections privées) sont présentées dans un parcours en cinq parties. Annie Le Brun, qui est la commissaire de l’exposition à Paris et qui a très bien connu Toyen, a toujours mis en avant dans ses textes : durant toutes les périodes de Toyen, une chose reste constante, c’est l’érotisme.
L’exposition est organisée par trois commissaires : Annie Le Brun, écrivain (France) en collaboration avec Dr. Annabelle Görgen-Lammers, Hamburger Kunsthalle (Allemagne) et Dr. Anna Pravdová, Galerie Nationale de Prague (République Tchèque).
Page de l’exposition Toyen l’écart absolu, sur le site du Musée d’Art moderne de Paris