Huit candidats sont en lice pour le premier tour des élections présidentielles en République tchèque, ce vendredi et samedi, pour tenter de ravir sa place au président Miloš Zeman, candidat à sa propre succession.
Les 12 et 13 janvier, les citoyens tchèques iront aux urnes au terme d’une campagne présidentielle qui n’a jamais vraiment commencé. En effet, la scène politique est tellement occupée par les affaires parlementaires et le premier tour si prévisible, que le public semble attendre le sprint entre les deux tours avant de s’enflammer. Cela fait d’ailleurs partie de la stratégie de Miloš Zeman, qui a ostensiblement refusé de faire campagne, préférant incarner un président au-dessus de la mêlée.
Zeman comprend sans doute que sa personnalité clivante a depuis longtemps formé les opinions des citoyens, pour le meilleur comme pour le pire. De plus, son état de santé déclinant ne le montre pas sous son meilleur jour lors de ses apparitions publiques. Il semble donc espérer que ses partisans actuels suffisent à sa réélection. Jusqu’à présent, son pari n’est pas mauvais, au vu de la forte cote de popularité dont le crédite les sondages d’opinion.
Un sympathique parolier, un ancien président de l’Académie des sciences…
Outre l’absence du président, le manque de compétition a aussi fortement diminué l’intérêt de la campagne. Dès lors que le chef de l’État a pris ses quartiers au château il y a cinq ans, ses opposants ont vite compris qu’il leur faudrait un adversaire de taille afin de mettre fin au règne d’un homme charismatique, qui passe avec aisance d’un trait d’esprit au populisme le plus vulgaire. Depuis 2013, ses détracteurs comptent les jours, mais sans candidat idoine.
En novembre 2016, le sympathique parolier et publiciste Michal Horáček s’est lancé dans la course pour devenir, un temps, l’alternative la plus sérieuse à Zeman, faute de mieux. Devenu millionaire grâce à ses investissements dans les jeux de hasard dans les années 90, Horáček se positionne alors comme un héritier de la dissidence de Vacláv Havel, aux côtés duquel il se tenait lors de la Révolution de velours en 1989. Plutôt libéral et pro-Union européenne, Horáček n’a pas non plus peur de parler des problèmes sociaux et n’a pas sa langue dans sa poche. Malgré son charisme, les sondages ne lui donnent cependant aucune chance face à Zeman.
Symptomatique du choix pragmatique fait par le camp anti-Zeman, c’est plutôt l’édulcoré Jiří Drahoš qui a damé le pion à Horáček, après avoir annoncé sa candidature en mars 2017. Malgré un parcours académique prestigieux qui l’a conduit jusqu’à la présidence de l’Académie des sciences en 2009, Drahoš était plutôt inconnu du grand public quand il s’est lancé dans la course. Grâce à son style distingué et ses prises de position réservées, il représente l’antithèse de Zeman. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de rallier des soutiens et d’organiser une vaste campagne de collecte de signatures pour sa candidature, amassant près du triple des 50 000 nécessaires.
Seuls Zeman, Drahoš et Horáček ont passé l’épreuve de la collecte des signatures, alors que six autres candidats ont dû choisir l’alternative prévue par la Constitution, c’est-à-dire l’appui d’une partie des députés. Parmi ces candidats sans chances véritables, on retrouve peu de personnalités, si ce n’est l’ancien premier ministre Mirek Topolánek, l’un des politiciens les plus détestés du pays, qui a annoncé sa candidature à la dernière minute. À noter aussi la présence de Pavel Fischer, ancien proche de Vacláv Havel, diplômé de l’ENA et ambassadeur tchèque en France de 2003 à 2010. S’il n’a pas réussi à toucher les masses, il est le plus populaire auprès des 18-30 ans.
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Un premier tour joué d’avance
L’arrivée de Jiří Drahoš comme rival à la hauteur de Zeman a empêché la campagne présidentielle de vraiment décoller. En effet, il s’est vite imposé comme le choix pragmatique des citoyens insatisfaits et a coupé court aux débats. Son apparition a contenté l’électorat anti-Zeman sans pour autant ébranler les pro. Ainsi, le président reste depuis des années en tête, tandis que Drahoš reste confortablement en deuxième position depuis près de 9 mois, récoltant environ 15% de plus que le troisième candidat.
Dans un contexte où le président sortant ne participe pas à la campagne et où Drahoš a une telle avance dans le camp opposé, c’est sans surprise que les débats n’ont pas déchainé les passions. De plus, contrairement aux espoirs de Zeman, ses opposants ne se sont pas entre-déchirés, préférant attaquer le chef de l’État. Dès le mois d’avril 2017, Horáček avait fait savoir qu’il appuierait Drahoš lors du second tour le cas échéant.
Vers une défaite sans passion pour Zeman ?
Finalement, les camps opposés ont jusqu’à présent joué leurs cartes de façon prévisible et pragmatique, et les opposants de Miloš Zeman devraient pouvoir fêter une victoire sans éclat à la sortie des urnes le 25 janvier. En effet, selon les sondages des derniers mois, Zeman est incapable de rejoindre ses opposants et les indécis, et n’aura que peu de renfort au second tour, contrairement à Drahoš, derrière lequel tous les anti-Zeman se rallieront.
Pour la démocratie libérale tchèque, ce serait une bonne nouvelle après la victoire des partis populistes et extrémistes lors des élections législatives d’octobre. En effet, Drahoš pourrait représenter un obstacle de taille pour le populiste Andrej Babiš, grand vainqueur des élections avec son mouvement ANO. Alors que Zeman le soutient sans réserve, Drahoš a annoncé qu’il ne nommerait pas de premier ministre visé par une enquête judiciaire, comme c’est le cas de Babiš. De plus, Drahoš refuserait tout gouvernement composé des communistes et pourrait aposer son véto aux possibles velléités illibérales du parlement.
Néanmoins, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. En effet, les deux semaines entre les deux tours verront peut-être le réveil du redoutable animal politique, qu’on avait déjà enterré une première fois à la fin de sa carrière de premier ministre en 2003, puis une seconde fois après un retour raté en 2010, et qui était finalement sortie de sa tanière pour s’emparer du château de Prague en 2013.