Le parlement a approuvé lundi un nouveau gouvernement composé essentiellement des mêmes personnes et soutenu par la même coalition tripartite. Il n’est pas certain que cela soit suffisant pour éteindre le mouvement de contestation causé par le double-assassinat, à la fin du mois de février, du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová.
81 des 144 députés présents dans un parlement qui compte un total de 150 sièges ont accordé, lundi, leur soutien au gouvernement de Peter Pellegrini, nouveau Premier ministre slovaque en remplacement de Robert Fico qui avait été contraint à la démission à la mi-mars.
Les députés des trois même partis qui composent la coalition gouvernementale ont tous voté, sans exception, en faveur du nouveau gouvernement. Il s’agit du SMER-SD (social-démocrate), du Parti national slovaque (SNS, nationaliste) et du Most-Híd (parti de centre-droit issu de la minorité hongroise).
Le président de la République Andrej Kiska avait adoubé le nouvel exécutif jeudi, après avoir refusé plus tôt dans la semaine une première proposition, estimant qu’elle ne présentait pas les garanties suffisantes pour la conduite d’une enquête indépendante pour la résolution du double meurtre.
Le ministère de l’Intérieur, objet de toutes les inquiétudes, a finalement été confié à celui qui a occupé le poste de ministre de la Santé depuis 2016, Tomáš Drucker, qui l’a accepté à reculons et sans compétences préalables.
Jusqu’à la crise politique, il avait été occupé depuis 2012 par Robert Kaliňák, fidèle de Robert Fico et soupçonné dans plusieurs affaires de corruption en lien avec un homme d’affaires sulfureux, Ladislav Bašternák.
Cela peut-il éteindre la contestation ?
« Nous allons agir de sorte que les honnêtes gens puissent mener une belle vie ici et que ceux qui commettent des infractions pénales soient punis », a déclaré Pellegrini dans un communiqué de presse diffusé par l’agence TASR.
« Ce qui va être très important, c’est la capacité de Pellegrini à s’émanciper de Fico », estime Michal Havran, théologien et journaliste très en vue dans la société civile slovaque, auteur d’un coup de gueule mémorable contre la caste politico-mafieuse (Vous êtes des porcs cyniques et sans scrupules !). « S’il y arrive, ça peut calmer la situation dans le pays. Mais il y a aussi le volet criminel : si l’enquête piétine, il tombera. Les gens veulent maintenant que la police ait des résultats. Et s’il y a de nouvelles révélations majeures qui touchent la classe politique, il tombera aussi. Il est piégé triplement ».
Suite à la décision d’Andrej Kiska d’approuver le gouvernement de Pellegrini, le mouvement canalisateur de la contestation qui a fait tomber Robert Fico, Za slušné Slovensko (Pour une Slovaquie intègre) avait renoncé à organiser une nouvelle manifestation monstre vendredi dernier dans la capitale. « Je comprends leur décision car en fait la rue a déjà obtenu plus que ce qu’elle réclamait au début : ils ont eu la démission de Fico et de Kaliňák. La demande pour des élections anticipée n’était pas jouable tout simplement parce que l’opposition n’a pas assez de députés pour ça, c’était bloqué mathématiquement », commente Michal Havran. Celui-ci pense toutefois que « s’ils voient que ça n’avance pas, ils sont prêts à remettre ça et à redescendre dans la rue ».
De fait, cette décision n’a pas empêché la tenue de rassemblements vendredi dernier aux quatre coins du pays et d’une manifestation importante à Bratislava, organisées par des étudiants, pour réclamer des élections anticipées. Tous craignent que Robert Fico, l’ancien premier ministre qui reste à la tête du SMER qu’il a fondé, continue de tirer les ficelles de l’exécutif, tel un Jarosław Kaczyński en Pologne. Son retour direct au pouvoir semble toutefois exclu tant sa popularité a souffert de cette crise politique.