La Commission européenne a déclenché « l’arme nucléaire », ce mercredi 20 décembre, en raison d’un « risque clair de violation grave de l’état de droit en Pologne ». Mais cette procédure n’aboutira vraisemblablement pas, en raison de l’obstruction annoncé de Budapest qui a dénoncé une « grave violation de la souveraineté de la Pologne ».
Deux ans après le début des pourparlers entre la Commission européenne et le gouvernement conservateur Droit et Justice (PiS), la Commission a finalement décidé de déclencher l’article 7 à l’encontre de Varsovie, déjà visée par plusieurs procédures d’infraction peu dissuasives.
« C’est avec le cœur lourd que nous avons activé » cette procédure de sanction, […] mais les faits ne nous donnent pas le choix, nous n’avons pas d’autre option », a déclaré le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, lors d’une conférence de presse (AFP).
Le PiS dénonce « une décision politique »
Le Premier ministre récemment nommé, Mateusz Morawiecki, a réagi sur Twitter : « La Pologne est attachée au principe de légalité, de même que l’UE. La réforme de la Justice en Pologne est nécessaire. Dans le dialogue entre Varsovie et la Commission, nous avons besoin d’ouverture et d’honnêteté. Je crois que la subjectivité de la Pologne est à concilier avec l’idée de l’Europe Unie ». La porte-parole du gouvernement, Joanna Kopcińska, a annoncé que le Premier-ministre rencontrera Jean-Claude Juncker le 9 janvier.
Le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, estime pour sa part que « cette décision a un goût politique », mais affirme vouloir poursuivre ses réformes : « Je prends avec calme cette décision annoncée depuis si longtemps. La Pologne sera un pays qui compte en Europe seulement si elle a des tribunaux qui marchent. Nous devons continuer la réforme de la Justice ». (Source : TVN24)
« Il s’avère que la délation contre son propre pays est efficace »
Le ministre des Affaires étrangères, Krzysztof Szczerski, considère qu’« Il est difficile d’accepter l’opinion que les autorités polonaises ne devraient pas réaliser les attentes de leurs propres citoyens mais bien celles des magistrats de la Commission Européenne ». Il accuse l’opposition polonaise d’avoir été à la manœuvre : « Des démarches sans précédent de l’opposition, qui a agi activement à Bruxelles contre la Pologne, ont contribué à cette décision ».
La porte-parole du Droit et Justice (PiS), Beata Mazurek, dénonce sur son fil Twitter « une décision politique » et va encore plus loin que le ministre des AE : « Il faut remercier les politiciens de la Plate-forme civique (PO) pour le déclenchement de l’article 7. C’est leur responsabilité. Il s’avère que la délation contre son propre pays est efficace ». Elle estime aussi que l’article 7 « n’atteint pas le Droit et Justice, mais peut atteindre la Pologne et les Polonais ».
« L’important est de mettre fin à cette dévastation, à cette ruine de la réputation polonaise en Europe » – Donald Tusk.
Donald Tusk, le Président du Conseil de l’Europe, honni par le PiS au pouvoir, estime au contraire que « Personne en Europe ne veut punir la Pologne ni les Polonais. Nous voulons tous que les erreurs et les mauvaises décisions du gouvernement polonais soient renversées. Je ferai tout pour que ces peines ne touchent pas la Pologne ». Cette décision de la Commission est, selon lui, le résultat d’une « une action consciente [du PiS] de mettre la Pologne en travers, sinon à côté de l’Union Européenne ». Il pointe la responsabilité du gouvernement polonais qui a essayé de placer « le pouvoir soit au-dessus des lois, et non plus les lois au-dessus du pouvoir » et affirme que « L’important est de mettre fin à cette dévastation, à cette ruine de la réputation polonaise en Europe ». (source : TVN24)
Budapest : « Nous protégerons la Pologne d’une décision politique injuste »
L’article 7, qui ouvre théoriquement la voie à une suspension du droit de vote d’un Etat au sein des institutions européennes, est cependant très longue et très complexe. D’éventuelles sanctions ne pourraient intervenir que lors d’une seconde étape et devraient être votées à l’unanimité des 28 pays membres de l’Union. Or, la Hongrie a déjà fait savoir à plusieurs reprises par le passé qu’elle entraverait tout processus de sanctions à l’encontre de Varsovie, son principal allié en Europe et au sein du Groupe de Visegrád.
Dénonçant un deux-poids deux-mesures au sein de l’Union européenne, le vice-Premier ministre hongrois, Zsolt Semjén, a immédiatement réagi à l’annonce de la décision de la Commission, estimant que celle-ci « viole gravement la souveraineté de la Pologne ». Zsolt Semjén a affirmé : « nous protégerons la Pologne d’une décision politique injuste. L’amitié hungaro-polonaise ainsi que les engagements du gouvernement hongrois nous obligent à nous opposer à la décision de la Commission européenne dans toutes les assemblées », rapporte le quotidien pro-gouvernemental Magyar Idők.
La Commission européenne reproche à la Pologne la remise en cause de l’indépendance de son système judiciaire et plus précisément des lois réformant la justice constitutionnelle polonaise, l’organisation des juridictions de droit commun, la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature. Les autorités polonaises disposent d’un délai de trois mois à compter d’aujourd’hui pour résoudre ces problèmes pointés par la Commission.
Retour sur un an de «contre-révolution culturelle» en Pologne
Lire le communiqué de presse de la Commission européenne en date de ce mercredi 20 décembre 2017.