Interview avec Jean-Efflam Bavouzet
Jean-Efflam Bavouzet (50 ans) est considéré comme un des plus grands pianistes contemporains. Spécialiste de Debussy, il a joué avec les orchestres les plus réputés dans des salles importantes dans un nombre impressionnant de pays. Le musicien français a gagné plusieurs prix du BBC Music Magazine et du Gramophone pour son intégrale des œuvres pour piano de Debussy et pour les concertos de Ravel. Il enregistre actuellement toutes les sonates de Haydn ainsi que celles de Beethoven. Le International Classical Music Award lui a décerné le Prix de l’Artiste de l’Année 2012.
Quels sont vos rapports avec les musiciens hongrois ?
Tout d’abord j’ai le privilège d’avoir épousé une Hongroise, Andrea Nemecz, qui partage ma vie depuis 30 ans. Dans ce contexte il n’est pas étonnant que je baigne dans la culture de ce pays. Mes filles parlent le hongrois couramment, j’en suis fier.
En ce qui concerne les musiciens hongrois qui m’ont influencé, je dois mentionner en premier lieu Zoltán Kocsis que je connais depuis plus de 20 ans. Il m’a fait l’honneur d’écrire la présentation de mon premier CD en 1990 et plus tard nous avons donné une quinzaine de concerts à deux pianos pour lesquels il a appris ma transcription de « Jeux » de Debussy.
J’ai eu l’occasion de jouer avec d’autres musiciens hongrois comme le pianiste György Sándor, le violoncelliste János Starker et les percussionistes Zoltán Rácz et Aurél Holló du groupe Amadinda.
Durant les deux dernières années de sa vie, Sir Georg Solti me faisait jouer régulièrement le répertoire pianistique qu’il connaissait si bien. Non seulement il était un chef d’orchestre exceptionnel mais aussi un très bon pianiste. Et surtout un homme d’une qualité rare. Il m’avait inviter à jouer avec lui le troisième de Bartók.
Plus récemment j’ai eu l’occasion d’interpréter le deuxième concerto de Bartók sous la direction de Iván Fischer avec la Budapest Festival Orchestra et nous avons avec Gábor Takács-Nagy et le Manchester Camerata des projets d’enregistrement.
Et tout récemment à San Francisco, András Schiff m’a fait le plaisir de venir m’entendre avant son remarquable récital Bach.
Parlons du concert de ce soir. Le fait qu’on devait changer de chef d’orchestre de la Philharmonie de Hongrie (Zoltán Kocsis avait subi une opération cardiaque) change-t-il la donne ? Et pourquoi allez-vous jouer Prokofiev ?
Je suis très affecté par les problèmes de santé de mon ami Zoltán à qui je souhaite de tout cœur un bon et rapide rétablissement. Je travaille en bonne intelligence avec Thomas Sanderling qui a passé son enfance en URSS et connaît les compositeurs russes.
Pourquoi Prokofiev ? C’est Kocsis qui l’a choisi avec mon accord enthousiaste. Le Concerto no. 5 est une œuvre fascinante qui innove énormément dans son rapport piano/orchestre et dans sa facture. Dans ce morceau le compositeur nous offre des moments dramatiques d’une intensité exceptionnelle.
D’ailleurs je suis en train d’enregistrer tous les concertos de Prokofiev avec l’orchestre de la BBC sous la direction de Gianandrea Noseda. Les même avec qui j’ai enregistré ceux de Bartók.
Enfin une question qui m’intrigue : d’où vient votre prénom ?
St Efflam était un saint irlandais qui a évangélisé la Bretagne où je suis né. Mais je suis lorrain de cœur car j’ai passé mon enfance à Metz…
Propos recueillis par Mihály Rózsa
Infos pratiques
- Concert de la Philharmonie de Hongrie le 29 novembre a 19.45 au Müpa (Palais des Arts)
- Au programme : Stravinsky: Scherzo à la russe ; Prokofiev: Concerto pour piano no. 5. ; Stravinsky: Œdipus Rex