Découvrez Sviat Popov, 22 ans, un des nombreux héros du quotidien, qui participe au projet URBAN SPACE 500 promouvant des initiatives locales à Kiev, en Ukraine.
Ce portrait-interview est issu de We Can Be Heroes, le projet de Thomas Tichadou, qui a sillonné l’Europe sur 15 500 km de Kiev à l’Est jusqu’à Tunis au Sud, à la rencontre de quatorze acteurs de la transition, de juillet à novembre 2017. |
PEUX-TU TE PRÉSENTER ?
Je m’appelle Sviat Popov, j’ai 22 ans. Je suis né à Rivne [Nord-Ouest de l’Ukraine] et je vis maintenant ici à Kiev. Pendant mes études de culturologie [étude scientifique de la culture] à l’université, j’étais volontaire chez Insha Osvita [« une autre éducation » en ukrainien], une ONG spécialisée dans l’éducation non formelle et l’engagement civique. Urban Space 500 est un de leurs projets et je suis l’un de ses responsables.
SI TU DEVAIS DÉFINIR LE PROJET URBAN SPACE 500 EN UNE PHRASE ?
Urban Space 500 est une communauté proactive de citoyens partageant la volonté de créer un lieu spécifique dans la ville et d’allouer un fond solidaire en faveur d’initiatives locales.
COMMENT CE PROJET A-T-IL VU LE JOUR ?
Je dois d’abord te parler du projet Urban Space 100 créé dans la ville d’Ivano-Frankivsk. Des membres de Teple Misto, une plateforme accompagnant les initiatives citoyennes, se demandèrent comment agir sans argent pour leur ville. Ils ont alors inventé le concept d’Urban Space 100, un restaurant financé par les citoyens et où 80% des profits sont alloués à des projets à impact social. 100 participants ont donné 1 000 $ et une communauté s’est petit à petit créée. Ces 100 personnes décident maintenant de l’orientation stratégique du projet ainsi que des initiatives qu’ils veulent soutenir.
En 2016, Teple Misto nous a contacté pour expérimenter ce concept à Kiev, mais cette fois avec 500 participants. Nous avons donc 500 000 $ pour agir utilement pour notre ville.
Nous avons trouvé depuis peu un local de 416 m² au centre de Kiev, au 9 Grinchenka Street, avec un passé historique typique de la ville.
PEUX-TU M’EXPLIQUER LES ACTIVITÉS D’URBAN SPACE 500 ?
L’activité principale sera un restaurant proposant une cuisine à base de produits locaux et à prix raisonnables. Nous allons également créer un espace ouvert permettant à chacun de proposer des événements. Tout le monde peut participer, pas besoin d’être membre. Un projet de radio aura un local ici, elle diffusera de la musique et des reportages sur les initiatives locales et le développement raisonné des villes. Et enfin, nous ouvrirons un magasin d’artisanat ukrainien.
Nous investirons 80% des profits du restaurant dans des projets sociaux. La communauté sera en charge d’attribuer cette somme. Les 20% restants seront réinjectés dans le restaurant.
PLUSIEURS PARTENAIRES SONT À L’ORIGINE DU PROJET, QUELS SONT VOS RÔLES ?
Oui nous sommes trois au total : Teple Misto, Insha Osvita et le Druzi Café, l’entreprise responsable du restaurant. Elle doit également trouver un modèle économique pérenne. Travailler avec des professionnels du métier de bouche est crucial pour nous car notre ONG n’a aucune expérience dans ce domaine. Insha Osvita doit trouver les investisseurs, gérer le programme de donation, communiquer sur le projet et animer la communauté. Nous avons également développé des partenariats low/pro bono : par exemple, une entreprise d’informatique a développé notre site internet et un cabinet d’avocats nous accompagne dans les démarches administratives.
POURQUOI QUELQU’UN INVESTIRAIT 1 000 $ ? J’IMAGINE QUE C’EST UNE SOMME IMPORTANTE POUR UN UKRAINIEN ?
Nous pensons que ce projet est une expérimentation pour voir ce que nous, citoyens, pouvons construire tous ensemble. Pour certaines personnes c’est effectivement beaucoup d’argent. C’est pourquoi tu dois par la suite pouvoir peser sur les décisions stratégiques. Mais ce projet n’est pas réservé qu’aux plus aisés. Certains de nos participants sont des chefs d’entreprise bien entendu, mais nous avons également des employés dans l’informatique, des activistes, etc. Investir ici ne te rapportera aucun dividende. Chaque personne possède une voix et fait partie intégrante de la communauté. Nous encourageons également les participants développant un projet social à se connecter avec d’autres membres susceptibles d’être intéressés. Si Urban Space 500 peut t’aider, il le fera.
« Nous pensons que ce projet est une expérimentation pour voir ce que nous, citoyens, pouvons construire tous ensemble. »
PARLONS MAINTENANT DE L’ANIMATION DE VOTRE COMMUNAUTÉ. QUELS OUTILS UTILISEZ-VOUS ?
La majorité de notre communication est sur internet. Nous avons un site web où nous affichons les grandes lignes du projet, les profils de nos membres ainsi que nos co-investisseurs. Mais nous communiquons essentiellement sur notre groupe Facebook. Nous pouvons lancer des débats et organiser des événements. En ce qui concerne notre processus de prise de décision commune, nous utilisons Loomio pour l’instant mais nous voudrions encourager nos membres à se rencontrer dans la « vraie vie ».
POURQUOI 500 PARTICIPANTS ?
Parce que les loyers immobiliers sont plus chers à Kiev et que nous cherchons un lieu plus grand que celui d’Urban Space 100. Nous recherchons également davantage de représentativité au sein de la communauté. Kiev est une très grande ville, environ 3 millions d’habitants.
Nous avons trouvé un local de 416 m² au centre de Kiev, au 9 Grinchenka Street, avec un passé historique typique de la ville.
« Nous, les coordinateurs du projet, n’avons aucun pouvoir de décision sur cette partie, c’est l’affaire de la communauté. »
COMMENT CHOISISSEZ-VOUS CES 500 PARTICIPANTS ?
Nous, les coordinateurs du projet, n’avons aucun pouvoir de décision sur cette partie, c’est l’affaire de la communauté. Si tu souhaites postuler, tu dois te présenter et indiquer tes motivations sur notre site. Nous les soumettons aux membres du groupe Facebook et la communauté a 24h pour discuter avec toi, donner son opinion et valider ta candidature.
À TON AVIS, COMMENT URBAN SPACE 500 POURRAIT SE RETROUVER FRAGILISÉ, VOIRE S’ARRÊTER ?
C’est assez compliqué de répondre, mais je pense que le principal risque serait que les membres n’arrivent pas à s’organiser et à communiquer entre eux. Une mauvaise entente pourrait compromettre la viabilité de notre travail.
POURQUOI T’ES-TU ENGAGÉ DANS CE PROJET ?
Nous passons notre temps à vouloir contrôler chaque aspect de notre vie. Pourtant, je pense que nos plus grandes décisions sont prises en dehors de toute rationalité. Je sentais une énergie en moi qui ne demandait qu’à être libérée. Je l’ai écouté et j’ai dit : “d’accord, je veux en être, allons-y !”.
« J’ai besoin de me sentir libre et je veux aider les autres à le devenir parce que les personnes libres font de grandes choses. »
OÙ TROUVES-TU TA MOTIVATION ?
Rencontrer de nouvelles personnes et comprendre comment nous construisons de nouvelles connections entre eux, tout ce processus m’inspire beaucoup. J’aime la musique, surtout le jazz et le blues. Je joue de l’harmonica. Je pense que la musique est un bon moyen de partager des moments forts tous ensemble.
SI TU DEVAIS DÉFINIR TON ENGAGEMENT EN UN MOT, ADJECTIF OU SENTIMENT…
Je pense que ce serait la « responsabilité », pas seulement pour moi mais également pour les personnes autour de moi. Je dirais aussi « liberté ». J’ai besoin de me sentir libre et je veux aider les autres à le devenir parce que les personnes libres font de grandes choses.
« Nous passons notre temps à vouloir contrôler chaque aspect de notre vie. Pourtant, je pense que nos plus grandes décisions sont prises en dehors de toute rationalité. Je sentais une énergie en moi qui ne demandait qu’à être libérée. Je l’ai écouté et j’ai dit : d’accord, je veux en être, allons-y ! »