Le président du parlement slovaque Andrej Danko rappelle volontiers son admiration pour Poutine ou Orbán. L’écrivain Marek Vadas craint fort que lui et les autres nationalistes ne donnent le ton des élections législatives prévues pour la fin de l’hiver.
Le texte qui suit est la traduction en français (par André Kapsas) d’une tribune libre de l’écrivain slovaque Marek Vadas*, publiée le 16 septembre dans le journal Dennik N, sous le titre Protifašistický fašista.
Une nouvelle rhétorique voit le jour pour la campagne électorale [les élections législatives sont prévues en Slovaquie pour la fin de l’hiver 2020 – Ndlr.] et c’est généralement la même pour Danko [chef du parti nationaliste conservateur SNS], Fico [chef du parti social-démocrate SMER] et Kotleba [chef du parti d’extrême-droite ĽSNS – Ndlr.].
Le président du parlement Danko réussit à lancer des idioties, embrouiller presque chaque pensée et il est impossible de ne pas se perdre dans le labyrinthe bizarre de ses idées. Avec ses voyages toujours plus fréquents en Russie, il a tout de même réussi à faire sienne une thèse sans se tromper, et il la répète à chaque occasion. Il s’agit de la plus grande menace pour notre pays – les libéraux !
« Je crois que la politique changera et cessera d’être un cirque de valeurs libérales », a dit Danko à l’occasion de la fête de Notre-Dame des Douleurs. Traduction : la liberté et l’État de droit sont, pour le président du parlement, un cirque. Encore plus stupide fut son discours à l’occasion des célébrations du Soulèvement national slovaque [soulèvement de 1944 en Slovaquie contre le régime fasciste et l’occupation allemande – Ndlr.], quand il a averti qu’« il est facile de quitter le droit chemin, et de se soumettre au fascisme, ou bien à l’extrémisme libéral ». Il a prétendu que le fascisme et le libéralisme portent des valeurs similaires et, sans rougir, il a ainsi sali la mémoire de millions de victimes innocentes du fascisme.
Rien qu’à titre de rappel : la démocratie libérale est la base sur laquelle l’Europe moderne est née et fonctionne. Ses racines vont jusqu’aux Lumières et elle est bâtie sur des idéaux de liberté – individuelle, économique, religieuse et politique ; et cette liberté, ce respect, cette estime et cette responsabilité appartiennent à chaque citoyen sans discrimination.
Après les Hongrois, les Tsiganes et les immigrants, voilà un nouveau thème de campagne, de nouveaux ennemis dont il faut avoir peur et contre lesquels il faut se battre.
Danko, lui, ne voit pas de distinction entre un courant de pensée qui place la liberté de l’individu au-dessus de tout et une idéologie inhumaine qui a sur la conscience la plus grande tragédie de l’histoire moderne de l’humanité. Il joue plutôt le jeu de mélanger les concepts, créer des ennemis et répéter des mensonges. Malgré son opposition déclarée au fascisme, il emploie le vocabulaire extrémiste du défenseur des régimes totalitaires. La démocratie libérale, par son respect envers les droits civils, la propriété privée et la modération, était l’ennemi principal d’Hitler et de Staline. Danko rappelle volontiers son admiration pour Poutine ou Orbán, à qui il aimerait ressembler avec ses 7 % actuels [sa cote de popularité actuelle – Ndlr.].
Une nouvelle rhétorique voit le jour pour la campagne électorale et c’est généralement la même pour Danko, Fico et Kotleba (autant de modèles de la famille traditionnelle). Juqu’au printemps, nous n’allons pas nous préoccuper, par exemple, des magouilles aux ministères de l’Éducation et de l’Agriculture, des liens entre la mafia et l’État, des crimes, du manque d’indépendance des juges et du parquet, ou de l’État de droit. On va plutôt nous répéter à satiété des phrases insensées sur les dangers que les homosexuels font peser sur la famille traditionnelle ou les libéraux sur les valeurs chrétiennes.
Après les Hongrois, les Tsiganes et les immigrants, voilà un nouveau thème de campagne, de nouveaux ennemis dont il faut avoir peur et contre lesquels il faut se battre. Et continuer à s’éloigner autant que possible de l’Europe libre et moderne.
*Marek Vadas est un écrivain slovaque dont la spécificité est d’être un excellent connaisseur du Cameroun et de mêler des éléments des traditions européennes et africaines dans ses écrits. Il a reçu le prix littéraire le plus prestigieux dans son pays, « Anasoft litera », pour son roman « Liečiteľ » (Le Guérisseur).