De plus en plus à l’aise en Pologne les néo-nazis ? La diffusion d’un reportage de TVN24 ce week-end sur le mouvement hitlérien semble enfin réveiller les consciences dans la société polonaise et a suscité des fortes réactions dans la classe politique.
Des journalistes de la chaîne de télévision TVN24 ont récemment infiltré le milieu néo-nazi polonais. Ils ont réussi à rencontrer des militants et des membres de la direction de l’organisation nationaliste « Duma i nowoczesność » (Fierté et Modernité), responsables, entre autres de l’action de novembre 2017 à Katowice, où les portraits d’eurodéputés polonais ont été pendus à des potences factices, coupables d’avoir condamné les expressions racistes lors du jour de la fête de l’indépendance le 11 novembre dernier.
« Ce n’est pas un nazisme à la 3e Reich »
Interviewés par les journalistes, les membres de l’organisation ont nié leur caractère néo-nazi : « le fondateur de notre mouvement a des opinions assez radicales, mais ce n’est pas un nazisme à la IIIe Reich », affirment les responsables. Mais le reportage de TVN24 est suffisamment explicite sans leurs commentaires : on est témoins d’une célébration de l’anniversaire d’Adolf Hitler, où un autel avec un portrait du führer est entouré de drapeaux du IIIe Reich, où l’on chante des chants nazis en se régalant d’un gâteau décoré d’une croix gammée, tout cela en uniformes de la Wehrmacht ou de la SS. Une imposante croix gammée en bois enflammée éclaire la scène. On porte des toasts « pour Adolf Hitler et notre patrie, Pologne bien-aimée ». De quoi surprendre les invités néo-nazis allemands, aussi présents au rassemblement. Le reportage peut être visionné sur le site internet de la chaîne TVN24.
« La propagation du fascisme foule aux pieds la mémoire de nos ancêtres »
La justice sans volonté de punir ?
L’émission du reportage a suscité de nombreuses réactions dans la scène politique. Le premier ministre Morawiecki a tout de suite déclaré que « la propagation du fascisme foule aux pieds la mémoire de nos ancêtres ». Le ministre-coordinateur des services spéciaux, Mariusz Kamiński a assuré pour sa part : « les autorités réagiront vigoureusement » et que « ce problème inacceptable sera rapidement éliminé ».
Le ministère de la Justice y est aussi allé de ses condamnations : le ministre adjoint Patryk Jaki a estimé que le reportage fournissait à lui seul « un fondement pour la dissolution de cette association mais aussi pour un procès au pénal ». Le ministre et procureur général Zbigniew Ziobro a lui recommandé au parquet régional de Katowice de lancer une enquête concernant la propagation publique du fascisme ou d’autres systèmes totalitaires par « Fierté et Modernité ». Outre la dissolution du groupe, ses membres risquent un maximum de deux années de prison, selon la loi polonaise.
Cependant, la pratique dans ce genre d’affaire montre clairement que les milieux nationalistes et néo-nazis en Pologne ne sont pas véritablement inquiétés. Interrogée lundi par TVN24, l’avocate Joanna Parafianowicz remarque que les procès contre ces organisations sont souvent ajournés…annulés…puis oubliés, la justice prétextant des difficultés à trouver les preuves des comportements illicites. Le problème ne trouvera pas de solution tant que l’on « n’appliquera pas la loi, tant qu’on ne cessera de fermer les yeux sur ces événements. Il faut tout simplement punir » – conclut-elle.
A l’heure actuelle, les mouvements néo-nazis se montrent de plus en plus audacieux en Pologne. Sans parler de ces célébrations hitlériennes dans des forêts où à la campagne, des symboles et mots d’ordres nazis présents lors des manifestations nationales, à des fêtes publiques, ou même lors de la pérégrination annuelle des supporteurs de foot au sanctuaire de Częstochowa. « Dans les années 2015–2017, nous avons assisté à une absence de réaction des autorités du Droit et Justice à cette sorte de démonstrations néo-fascistes » – constate M. Rafał Pankowski, sociologue à la fondation antifasciste « Nigdy więcej » (« Plus jamais ça », site internet en français).