Ce soir, premier jour officiel du Sziget, à ne pas manquer scène MR2 à 21h30, Quimby, l’un des groupes les plus créatifs et populaires de la scène alternative hongroise depuis presque 20 ans. Par son éclectisme, sa fraicheur, ses textes ironiques et sarcastiques et par le charisme de ses deux chanteurs. Le batteur Livius Varga et bien sûr le guitariste et compositeur Tibor Kiss ont su rapidement conquérir le cœur des hongrois dans les nineties. Par soucis de comparaison, la place de ce dernier dans le groupe, leader naturel, pourrait, sur certains points, rappeler celle de Bertrand Cantat dans Noir Désir.
Très dépendant du génie et de « l’instabilité psychologique » de Kiss (en premier plan sur la photo), Quimby a marqué un arrêt de deux ans, entre 2002 et 2004, du fait de l’internement psychiatrique de son leader. Beaucoup de fans ont alors craint à la fin de l’aventure. Mais, depuis le retour « en forme » de Kiss, le groupe enchaine les performances et se retrouve maintenant plébiscité par un public encore plus large que celui des défunts Kispál és a Borz.
1991-2004 : L’ascension d’un groupe…
Quimby est né de la rencontre de deux lycéens de la petite ville Dunaújváros, Livius Varga et Tibor Kiss, et de la décision du futur batteur, toujours au premier rang durant les leçons, de suivre les inspirations artistiques, musicales du second nommé, inexorablement assis au fond de la classe. De nature différente, les deux garçons ont aussi beaucoup de points communs : ils sont intelligents, aiment la musique et rêvent de découvrir d’autres pays. Au retour d’un voyage aux Etats-Unis, et après avoir connu un certain succès « live » dans les salles de Budapest, ils enregistrent, au début des années 90, deux cassettes de compositions rocks en anglais, entourés d’un bassiste, d’un autre guitariste, d’un batteur et d’un saxophoniste.
Quimby prend définitivement son envol avec l’arrivée du pianiste Szilárd Balanyi en 1995, puis, un an plus tard, avec la sortie du premier album en langue hongroise Majom-Tangó. Kiss Tibor n’abandonnera plus jamais le magyar au moment d’écrire ses chansons. Les 4 albums suivants, Diligramm (1997), Ekszerelmére (1999), Morszák (2001) et Káosz Amigos (2002) sont encensés par la presse et le public, qui a la chance d’assister à de fréquents concerts de Quimby gratuitement.
… et d’un leader « dérangé »
A l’instar de Kispal és a Borz, la musique de Quimby est inclassable. Quant aux textes du groupe, ils sont à l’image de son auteur : apolitiques, mais non moins extrêmes.Autodidacte, Kiss est un personnage contradictoire, à la fois simple et ultra complexe, romantique et cynique, sensible et dur avec lui-même. Peu à l’aise sur scène mais dégageant une émotion sans doute jamais entrevue auparavant en Hongrie, il est, tout comme les chanteurs qui l’ont inspirés – Nick Cave, Leonard Cohen ou Tom Waits pour ne citer qu’eux – un artiste à part entière, un génie de la musique et de la poésie.
Le choix du nom « Quimby », longtemps énigmatique pour de nombreux hongrois, représente à lui seul l’univers ironique et sarcastique de Tibor Kiss. Officiellement, Varga et Kiss auraient emprunté le nom à une revue américaine, lors de leurs séjours aux Etats-Unis, sans connaitre réellement la définition du terme. Mais, au fil des années et des interviews, les deux leaders de Quimby ont fini par lâcher le morceau et avouer l’inavouable. En américain argotique, quimby désigne la personne se trouvant « prise en sandwich » lors d’une relation sexuelle gay à 3. Selon Kiss, c’est un mot représentant le sens de la vie : « Nous sommes toujours en train de baiser quelqu’un, pendant qu’un autre est en train de nous baiser». De quoi méditer sur la mentalité hongroise.
En 2002, Tibor Kiss, perdu au plus profond de ses contradictions, se rend de lui-même dans un hôpital psychiatrique, pour y soigner son mal de vivre mais également ses problèmes avec l’alcool et l’héroïne. La jeunesse hongroise pense alors avoir perdu pour de bon son meilleur parolier et par la même occasion l’un de ses groupes préférés. L’enfermement d’un leader et la destinée d’un groupe de rock « national », il y a aussi de quoi se souvenir de Noir Désir.
2004 : le nouveau Tibor Kiss et la consécration de Quimby
En avril 2004, à la surprise générale, Kiss et Quimby reviennent sur le devant de la scène en Hongrie en enchaînant les concerts et les albums à succès comme Kilégzés en 2005. L’inspiration sans borne de Tibor Kiss a repris son cours mais elle est maintenant contrôlée. Libéré, il lance des projets en tout genre avec Quimby (avec par exemple, une création musicale pour l’adaptation au théâtre d’une pièce de Shakespeare, la Nuit des rois) mais également en solo (collaboration avec Csik Zenekar, Budapest Bar…). Quimby a mûri et a évolué vers plus de douceur. Les paroles de Tibor Kiss, un brin plus joyeuses, restent toutefois toujours aussi profondes.
Plus médiatique qu’avant mais toujours aussi indépendant, Quimby aurait même, depuis 2004, conquis le cœur de nombreux cinquantenaires et sexagénaires, a en croire un Tibor Kiss amusé en interview. De là, à imaginer que le public magyar présent ce soir devant la scène MR2 puisse ressembler à celle d’un concert de Franck Michael, il y a un pas à ne pas franchir. Quimby demeure principalement LE groupe des jeunes Hongrois.
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Merci pour cet article, je viens de découvrir un groupe très plaisant ! Tibor Kiss a l’air d’être un personnage intéressant et talentueux qui plus est ! Mais il a l’air difficile de se procurer un album d’eux en France, comme bon nombre des artistes hongrois, vraiment dommage …