Le nouveau Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a annoncé mardi 9 janvier un profond remaniement de son gouvernement, mettant à la porte ses ministres les plus décriés. Des ténors critiqués par l’opposition et l’Union européenne sont écartés, mais la Justice, elle, est épargnée.
Le remaniement de décembre avait avorté, celui de janvier à stupéfié ! Si le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro sauve sa peau malgré sa réforme à l’origine du déclenchement de l’article 7 par la Commission européenne en décembre, il s’avère que les personnes limogées sont celles que l’opposition incriminait le plus. Antoni Macierewicz quitte le poste du ministre de la Défense nationale, Jan Szyszko celui de l’Environnement, Konstanty Radziwiłł laisse le portefeuille de la Santé et Witold Waszczykowski celui des Affaires étrangères. Par ailleurs, Joanna Streżyńska perd le ministère de la Numérisation, officiellement en raison de la fermeture de cette institution, mais n’oublions pas qu’elle était la ministre la plus critique du gouvernement de Beata Szydło.
Suite à l’activation de l’article 7, le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) cherche-t-il à réparer ses relations désastreuses avec l’Union Européenne ? C’est sans doute le message envoyé par la mise au pas du ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, connu pour ses gaffes et ses dérapages fort peu diplomatiques. Sa place déchoit à Jacek Czaputowicz, jusque-là sous-secrétaire d’État dans le même ministère.
C’est le secteur de l’Économie qui connaît les changements les plus profonds. Le nouveau Premier ministre Morawiecki abandonne ses fonctions du ministre des Finances et du Développement au profit de Jadwiga Czerwińska, son ancienne sous-secrétaire d’État et femme de confiance du chef du gouvernement. Le ministère du Développement est scindé en un ministère d’Entreprise et de Technologie, dirigé par Jadwiga Emilewicz, ancienne sous-secrétaire d’État au ministère du Développement, et en un ministère des Investissements et du Développement, revenant à l’ancien secrétaire d’État Jerzy Kwieciński.
Anciens vassaux, nouveaux fiefs
Malgré ces changements nettement en faveur du nouveau chef du gouvernement Mateusz Morawiecki, la direction du Droit et Justice, en la personne de Jarosław Kaczyński, n’a pas abandonné toute influence sur le cours des affaires. Le véritable pilote de la politique polonaise pourra compter sur deux ministres particulièrement fidèles. Mariusz Błaszczak, nouveau ministre de la Défense nationale remplace le très impopulaire Antoni Macierewicz, même parmi les électeurs du Droit et Justice qui le jugent responsable de la crise généralisée dans l’armée polonaise. Quant à Joachim Brudziński, ancien vice-président de la Diète et chef du Comité exécutif du parti, ami personnel de Kaczyński, est lui envoyé à l’Intérieur (laissé par Błaszczak).
La fraction cléricale mise à la retraite
Aujourd’hui, c’est l’influent père Tadeusz Rydzyk, le rédemptoriste de la ville de Toruń, qui compte les blessés parmi les siens. En plus de Macierewicz, il perd deux de ses hommes : Jan Szyszko, ex-ministre de l’Environnement, responsable de l’affaire de la Forêt de Białowieża remplacé par Henryk Kowalczyk, lié au Premier ministre Morawiecki par ses fonctions dans l’ancien ministère de la Trésorerie et dans le Comité Économique du Conseil des Ministres.
Le grand déchu est Konstanty Radziwiłł, ancien ministre de la Santé, membre lui aussi du « parti-prêtre », compromis par une crise dans les services de santé. Encore aujourd’hui, des médecins sont en grève, plusieurs hôpitaux manquent de spécialistes et de généralistes, et le temps d’attente à une visite ou examen est plus long que jamais (allant jusqu’à un an). L’opposition n’est pas prête de lui pardonner son rôle dans l’interdiction de facto de l’IVG. Radziwiłł est remplacé par Łukasz Szumowski, cardiologue et ancien sous-secrétaire d’État au ministère de l’Éducation Supérieure.
Malgré l’ampleur inattendue de ce renouvellement politique, il reste difficile d’imaginer que le chemin politique du Droit et Justice s’en trouve profondément modifié. Son guide, Jarosław Kaczyński, possède des projets fixés et ne lâchera pas la bride à son Premier ministre, Morawiecki. Lequel se montre un collaborateur fidèle du parti au pouvoir, pour peu qu’on lui laisse un peu de marge de manœuvre sur les questions économiques, les seules qui l’intéressent vraiment.