Une crise diplomatique a éclaté entre la Pologne et Israël sur fond de commémoration du 73ème anniversaire de la découverte du camp d’Auschwitz-Birkenau.
(Article mis à jour à le 29 janvier à 14h) – La Pologne en a assez d’être associée à l’Holocauste. Vendredi, la Diète, la chambre basse du parlement polonais, a adopté un projet de loi pénalisant le fait de tenir responsable la population polonaise de l’Holocauste perpétré sur son sol. C’est principalement l’utilisation de l’expression « camps de la mort polonais » qui est dans le viseur de la loi, laquelle prévoit des peines allant jusqu’à trois ans de prison pour tout individu ou organisation. Si en français l’expression « camps de la mort nazis » est largement privilégiée, l’anglais désigne parfois les camps établis par les Allemands sur le sol polonais au cours de la seconde guerre mondiale comme des « polish death camps ».
Le texte de loi (en polonais) va plus loin en prévoyant des poursuites contre quiconque « attribue à la nation ou à l’État polonais la responsabilité ou la co-responsabilité des crimes commis par le 3e Reich allemand ». L’ambassade d’Israël en Pologne a dit craindre que cette loi puisse donner lieu à des poursuites contre les survivants des camps qui témoigneraient de la participation de Polonais. Mais le Ministère polonais des Affaires étrangères a émis un communiqué démentant cette interprétation erronée. Celui-ci précise que la nouvelle législation ne limite pas la liberté d’expression scientifique ou artistique. « Toute personne dont la mémoire personnelle ou les recherches scientifiques contiennent la vérité concernant des crimes ou des actes indignes qui ont eu lieu avec la participation de Polonais, a le droit à cette mémoire ».
Il réside toutefois un flou dans le texte – dans la distinction entre mémoire et calomnie, vérité historique scientifique et mensonge – faisant peser un risque de censure, estiment les détracteurs de la loi. Si celle-ci ne concerne pas les professeurs d’Université auteurs de publications scientifiques sur ce sujet, elle s’appliquera bien aux enseignants, écrit OKO.Press.
« Il ne fait aucun doute que le terme « camps de la mort polonais » constitue une interprétation erronée de l’histoire »
Une crise diplomatique a éclaté entre Varsovie et Tel Aviv, à laquelle a pris part le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou qui a déclaré : «Nous ne tolérerons pas qu’on déforme la vérité et réécrive l’histoire ou qu’on nie l’Holocauste». Le mémorial de la Shoah à Jérusalem a indiqué dans un communiqué : « il ne fait aucun doute que le terme « camps de la mort polonais » constitue une interprétation erronée de l’histoire ». Mais il estime toutefois que « cette loi est susceptible de brouiller la vérité historique concernant l’assistance que les Allemands ont reçue de la part de la population polonaise durant l’Holocauste ».
« Arbeit Macht Frei’ n’est pas une phrase polonaise »
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a abondamment réagi via Twitter pour défendre le projet de loi. Il a rappelé qu’Israël et la Pologne ont signé une déclaration conjointe en 2016 s’opposant à l’utilisation du terme « camps de la mort polonais ».
« Auschwitz est la leçon la plus amère sur la manière dont des idéologies mauvaises peuvent amener l’enfer sur terre. Les Juifs, les Polonais et toutes les victimes doivent être les gardiens de la mémoire de tous ceux qui ont été assassinés par les nazis allemands. Auschwitz-Birkenau n’est pas un nom polonais et ‘Arbeit Macht Frei’ n’est pas une phrase polonaise ».
Auschwitz is the most bitter lesson on how evil ideologies can lead to hell on earth. Jews, Poles, and all victims should be guardians of the memory of all who were murdered by German Nazis. Auschwitz-Birkenau is not a Polish name, and Arbeit Macht Frei is not a Polish phrase.
— Mateusz Morawiecki (@MorawieckiM) 27 janvier 2018