Pierre Rabhi était à Budapest pour quelques jours à la mi-novembre pour présenter la sortie en hongrois de deux livres. Il a aussi participé à une rencontre autour de l’agro-écologie, des circuits-courts et des agricultures familiales, co-organisée, entre autres par l’Institut Français de Budapest, le Ministère de l’agriculture hongrois. Enfin, Pierre Rabhi a aussi participé à une projection-débat de l’excellent film de Philippe Borrel, L’urgence de ralentir. Toutes ces manifestations ont rencontré un vif succès. L’occasion pour remercier toutes celles et ceux qui ont participé à l’organisation de ces rencontres.
Je reproduis ici la préface de l’édition hongroise de L’Offrande au crépuscule que j’ai écrite.
«La traduction en hongrois du livre de Pierre Rabhi, L’offrande au crépuscule est soutenue par l’Institut Français de Budapest et s’inscrit ainsi dans la dynamique de ces dernières années autour de la Décroissance et des enjeux de l’agriculture. En effet, en mars 2011, Serge Latouche était à Budapest pour présenter la traduction hongroise de son Petit traité de la Décroissance sereine. En novembre 2012, quelques semaines après un colloque sur les circuits-courts très remarqué, c’était au tour de Marie-Monique Robin de venir présenter une autre vision de l’agriculture avec son film documentaire Les Moissons du Futur, sous-titré en hongrois. L’année dernière a été marquée par la sortie d’Un Projet de Décroissance que j’ai co-écrit avec Anisabel Veillot, Christophe Ondet et Stéphane Madelaine. La boucle est bouclée avec la sortie en hongrois de ce livre et la venue de Pierre Rabhi à Budapest à l’occasion d’un grand colloque sur l’agroécologie qui aura lieu à l’Institut Français de Budapest le 13 novembre 2014.
Je suis convaincu que le lyrisme avec lequel Pierre Rabhi parle de la terre, de la nature mais aussi des rapports humains dans ce livre touchera le public hongrois.
Ces dernières années, la question de l’agriculture, ou plutôt d’une autre agriculture a été au cœur de beaucoup de discussions et débats en Hongrie. Les hongrois, de par leur histoire, leur sensibilité, sont très attachés à leur terre fertile, à leurs propres productions et aussi à leurs traditions et culture gastronomique qui les accompagnent. De plus, la place de la littérature mais surtout de la poésie est centrale dans la langue et la culture hongroises. Enfin, la dimension non-violente et créative que représente l’agroécologie devrait aussi passionner mes amis hongrois.
Ce livre parle aussi d’une aventure exceptionnelle, celle de Pierre Rabhi dans le Burkina Faso de Thomas Sankara au début des années 80. A travers les remises en question posées par la Décroissance, contre les inégalités, pour d’autres rapports humains, d’autres relations nord-sud, pour une relocalisation ouverte de nos productions et donc une plus grande autonomie, nous nous retrouvons dans la dynamique révolutionnaire de cette période.
De même, contre la domination de l’oligarchie financière et pour une sortie de la religion de l’économie, nous repensons au discours historique de Thomas Sankara à la vingt-cinquième Conférence au sommet des pays membres de l’OUA à Addis-Abeba, le 29 juillet 1987 appelant les pays africains à refuser de rembourser ces dettes illégitimes les maintenant dans la misère et l’asservissement.
En effet, ces dettes ont permis de perpétuer les politiques post-coloniales de pillage et par là-même l’illusion du bien-être factice et non soutenable de la société de croissance. Aujourd’hui, le même piège est mis en place dans nos sociétés au service d’une oligarchie financière toujours plus puissante.
Replonger dans cette période pleine d’espoir, de bon sens et d’humanité, période pendant laquelle la Hongrie voyant la sortie du tunnel absurde et oppresseur du communiste productiviste et avant de connaître la déception terrible face aux mensonges de la société de consommation, nous semble une belle opportunité pour ouvrir des discussions et des débats, pour décoloniser nos imaginaires et se réapproprier une autre vision du monde.
Ce livre, en abordant la question de l’agro-écologie, pose les bases d’une sortie de l’impasse où nous a conduit l’agriculture productiviste, dépendante des énergies fossiles déclinantes et responsable de la destruction des sols, pour nous emmener vers l’espoir d’une société soutenable, autonome, conviviale, juste et désirable.