Au lieu d’apaiser les tensions autour de la loi mémorielle sur l’Holocauste, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a jeté de l’huile sur le feu.
En poste depuis le mois de janvier 2018, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki était censé améliorer les relations avec le reste du monde, après plus de deux ans de politique musclée du parti nationaliste-conservateur Droit et Justice (PiS). Après le vote récent de la loi mémorielle sur la Shoah qui a suscitée bien des critiques, la crise semblait avoir été évitée, Israël et les Etats-Unis semblant prêts à des compromis. C’est dans cet esprit que Morawiecki s’est rendu le week-end dernier en Allemagne pour rencontrer Angela Merkel et apaiser les tensions. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi…
Samedi, lors de la conférence de presse qui a suivi la Conférence sur la Sécurité à Munich, un journaliste du quotidien israélien Yediot Aharonot, Ronen Bergman, a évoqué sa mère née en Pologne et dont des proches furent dénoncés par des Polonais durant l’occupation nazie, puis a demandé : « Si je raconte l’histoire de ma mère en Pologne, je serai considéré comme un criminel. Que cherchez-vous à faire, au juste ? », a-t-il interpellé à M. Morawiecki.
« Ce ne sera pas punissable, ce ne sera pas regardé comme un acte criminel de dire qu’il y eut des coupables polonais, de même qu’il y eut des coupables juifs, des coupables russes, des coupables ukrainiens, et pas seulement des coupables allemands », a calmement répondu le chef du gouvernement polonais. (M. Morawiecki qui s’exprimait en anglais a utilisé le mot « perpetrators »)
Mateusz Morawiecki à Berlin pour réchauffer les relations germano-polonaises
« Notre instinct nous a trahis », concède le PiS
« Sa réaction est incroyable », écrivait M. Bergman sur Twitter quelques minutes plus tard en guise de commentaire sur les « coupables juifs ». Le chef du gouvernement israélien Benyamin Nétanyahou, également présent à Munich, a jugé « scandaleux », les propos de M. Morawiecki dans un commentaire le jour-même. Les deux hommes ont eu une conversation téléphonique dimanche, après laquelle M. Nétanyahou a de nouveau déclaré que les propos du Premier ministre polonais étaient « inacceptables » car « il n’y a pas lieu de comparer les actes des Polonais et des Juifs durant la Shoah ».
Côté polonais, les services de presse du gouvernement ont rapidement diffusé un communiqué expliquant que « la voix du Premier ministre Mateusz Morawiecki lors de discussions à Munich n’était pas été destinée à nier l’Holocauste ou à accuser les victimes juives de quelque responsabilité pour le génocide allemand ». Le premier ministre polonais a écrit sur Twitter : « Malheureusement, il y a eu ceux qui ont montré le côté le plus sombre de la nature humaine en collaborant avec les nazis allemands. Un dialogue à propos de cette histoire la plus difficile est essentiel, comme un avertissement. Nous allons mener ce dialogue avec Israël. C’est de cela que j’ai parlé avec M. Nétanyahou ». D’autres déclarataions dans ce sens sont venues de la part du ministère des Affaires étrangères, tout comme de la direction du PiS : la Pologne n’a pas à demander pardon pour les propos tenus par le chef de son gouvernement à Munich.
Ryszard Terlecki, le président du groupe PiS à la Diète polonaise (la chambre basse du parlement), considéré comme très proche de l’homme fort du pays, Jarosław Kaczyński, a néanmoins concédé que le pouvoir ne s’attendait pas à une telle réaction à la loi mémorielle. « Notre instinct nous a trahis, il aurait dû nous avertir que quelque chose comme ça pouvait éclater », a-t-il déclaré dimanche dans une interview à l’hebdomadaire de droite Sieci (les filets).