L’auteur Thomas G. Leichtner a choisi la forme romanesque pour raconter l’histoire bien réelle de ses origines hongroises et celle de son père, assassiné par les Croix fléchées au bord du Danube en novembre 1944.
Thomas Degré, Thomas G. Leichtner. Deux signatures pour deux livres qui se font miroir.
Le premier, De Budapest à Paris (Thomas Degré, Le Manuscrit Éditions) publié en 2012, raconte l’histoire incroyable du père adoptif de l’auteur – un Hongrois juif émigré en France en 1925 -, et des Justes qui l’ont caché pendant la guerre.
Le second, Mémoires du Danube (Thomas G. Leichtner, Éditions Murmure des Soirs), publié en 2023 et signé du nom de naissance de l’auteur, rend hommage, dans le cadre d’une fiction romanesque mais de faits historiques bien réels, à son père biologique assassiné par les Croix fléchées (le parti pro-nazi hongrois) sur les rives du Danube en novembre 1944.
Deux livres qui se font miroir, donc, consacrés à ses pères – tout le monde n’a pas la chance d’avoir eu deux pères dans la vie.
Nous reproduisons ci-dessous l’avant-propos de Mémoires du Danube.
« Il m’en aura fallu du temps pour me décider à parler de toi.
En janvier 2020, une quarantaine de chefs d’État se sont retrouvés au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, pour commémorer le soixante-quinzième anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Tu n’es pas mort à Auschwitz-Birkenau, ni dans aucun des camps d’extermination de cette sinistre époque. Tu as été assassiné par les Nyilas, les Croix fléchées, sur les rives du Danube.
Je ne t’ai pas connu et je sais si peu de choses de toi.
J’aurai à combler les trous, les béances entre les rares amers dont je dispose. Je devrai naviguer à vue, reconstituer le puzzle, t’inventer. Seul le roman peut m’aider dans ce voyage où j’aurai tant à imaginer.
Ce dont je suis sûr, cependant, c’est que tu es mon père, mon père de naissance.
J’ai eu un autre père, celui qui m’a adopté quand j’avais deux ans. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir eu deux pères dans sa vie…
Ma gratitude envers mon vrai papa, pourtant décédé depuis longtemps, ma fidélité à cet homme-là, m’ont conduit, jusqu’à un passé récent, à nier ton existence, à t’ignorer.
Je comprends aujourd’hui combien j’ai été injuste. Je sais quelle fut ta joie à ma naissance, et ta fierté de découvrir ton garçon : ton nom, ton nom de famille vivrait.
Leichtner, ce patronyme orthographié avec un « t » qui le distingue de ceux, plus nombreux, qui en sont dépourvus, vous en étiez si fiers, ton frère aîné Léo et toi ! Lui, avait une fille unique, Marianne, et il s’en était remis à toi pour le perpétuer.
C’était sans compter sur la barbarie et sur le destin – appelons ainsi les événements qui ont suivi.
En me donnant son nom, mon père adoptif t’a, sans le vouloir, dépossédé du tien. Et moi, en le recevant et en le portant légitimement, j’ai le sentiment trouble de t’avoir trahi.
Aujourd’hui, ce nom de famille que tu brandissais comme un étendard, je me fais un honneur et un devoir de te le rendre.
En écrivant et en signant ce livre. »
Thomas G. Leichtner