Le 7 janvier 1993, le Parlement polonais votait une loi restreignant considérablement l’accès des femmes polonaises à l’interruption volontaire de grossesse. Un quart de siècle plus tard, ce qu’il reste du droit à l’IVG pourrait être totalement supprimé sous la pression d’un groupe d’ultra-conservateurs.
Le bras de fer entre pro et anti-avortement se poursuit et les jours à venir s’annoncent cruciaux. Les partis d’opposition entendent déposer un projet de loi moins restrictif ce mardi à la Diète, tandis que des députés ultra-conservateurs ont saisi le Conseil Constitutionnel pour étudier la conformité de la législation actuelle avec la Constitution.
C’est en 1956 que la République populaire de Pologne avait donné le droit aux femmes polonaises d’accéder à l’IVG librement et gratuitement. Et c’est en 1993, alors que la société polonaise venait d’accéder à la démocratie, qu’elle décidât de revenir sur ce droit, au terme de plusieurs années d’intenses débats.
Le mouvement anti-avortement représenté par l’Église et par les laïcs catholiques multiplia les manifestations et les pétitions, tandis que le mouvement pro-choix recueillait 1,7 million de signatures en faveur d’un référendum sur le droit à l’avortement…qui n’eut jamais lieu.
Une loi «sur le planning familial, la protection du fœtus humain et les conditions d’interruption de grossesse» fut adoptée le 7 janvier 1993, n’autorisant le droit à l’avortement que dans les cas d’une menace pour la santé ou la vie de la mère, d’une malformation grave ou une maladie incurable du fœtus, ou d’une grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste.
Le sujet est tellement clivant pour la société polonaise qu’un seul gouvernement a tenté de libéraliser un peu la loi depuis, en 1996, mais le Conseil Constitutionnel jugea les modifications incompatibles avec la nouvelle Constitution.
« Le soi-disant «compromis sur l’avortement» a changé la vie des femmes polonaises. Une génération entière de femmes ne connaît pas un monde dans lequel elles pourraient décider librement de leurs corps et de leurs choix de vie », écrit le petit parti de gauche Razem, dans un communiqué de presse.
Depuis son retour au pouvoir en 2015, le parti ultra-conservateur et clérical Droit et Justice (PiS) cherche à durcir encore la législation déjà très restrictive qui pousse les femmes et les médecins dans la clandestinité.
Razem dénonce par ailleurs une multitude d’atteintes faites aux droits des femmes de nos jours en Pologne : la pilule du lendemain est désormais disponible sur ordonnance seulement ; de plus en plus de médecins font valoir leur «clause de conscience» pour ne pas pratiquer d’avortement même dans des cas légalement définis ; de même que des pharmaciens refusent de distribuer des contraceptifs. [Lire l’article d’Audrey Lebel paru dans Le Monde Diplomatique en novembre 2016 : Avortement, l’obscurantisme polonais.]