László Bogdán, maire d’une petite bourgade du sud de la Hongrie et figure emblématique de la minorité rom, est décédé.
Lorsque le polémiste raciste Zsolt Bayer l’avait reçu sur le plateau de son émission télé, il ne l’avait pas traité d’« animal tsigane », mais en véritable « héros du quotidien ». Face à lui, barbe savamment négligée, costume élégant sur une chemise blanche ouverte, László Bogdán racontait posément son histoire. Celle d’un repenti, d’un gamin voleur et bagarreur, né au milieu des années soixante-dix dans une famille tsigane pauvre de Pécs, la cinquième ville de Hongrie.
L’histoire d’un homme qui, dépourvu de diplôme mais pas de courage ni d’intelligence, avait réussi à décrocher un poste à responsabilité dans une multinationale. Avant de faire le choix de se tourner vers le village de ses ancêtres, une bourgade de quatre cents habitants du nom de Cserdi, non loin de Pécs, dans l’une des régions les plus déshéritées du pays, où la population, à trois-quarts rom, vivait dans le plus grand dénuement.
Quelques années plus tard, László Bogdán était devenu une figure respectée de la société civile, connu comme l’homme du « miracle de Cserdi ». Il était celui qui avait éradiqué la délinquance dans son village et redonné travail et – surtout – dignité à ses habitants qui désormais se serraient les coudes pour s’en sortir, ensemble.
Beau gosse et doté d’un charisme certain, il se montrait aussi à l’aise sur les quinze hectares de pommes de terre, d’oignons, et de paprika de sa commune, qu’en conférence à Budapest et même – ! – jusqu’à la tribune des Nations-Unies à New York, pour évoquer le statut des femmes.
« Faire que chaque jour un Hongrois de plus se rende compte que les Tsiganes sont d’honnêtes gens ».
Son moteur, comme il le répétait, c’était de « faire que chaque jour un Hongrois de plus se rende compte que les Tsiganes sont d’honnêtes gens ». Ses méthodes expéditives avec ses administrés ne plaisaient pas à tous. Des militants de la cause rom lui reprochaient de servir la soupe à la droite, laquelle voyait en lui le « bon tsigane », celui qui « mettait les Roms au travail » et prouvait par là-même, à ses yeux, que tous les autres vivant dans la pauvreté méritaient leur sort.
Il emmenait les gamins du village pour découvrir l’enfer de la prison de Pécs, pour les vacciner. Au Noël 2013, il avait conduit des habitants de sa commune à Budapest, pour offrir le produit de leur travail aux nécessiteux de la capitale.
En 2017, lorsque des villageois du petit village d’Őcsény avaient brandi les fourches contre un aubergiste du coin qui souhaitait accueillir quelques familles de réfugiés pour les vacances, László Bogdán avait proposé à ses concitoyens d’accueillir ces derniers. Et il l’avait fait savoir haut et fort, pour pointer du doigt la petitesse du gouvernement qui avait soutenu les protestataires contre des personnes à qui il avait lui-même donné asile. « Nous serions fiers qu’ils viennent chez nous quelques jours », avait dit Bogdán, ajoutant, avec son sens de la formule : « nous, les Roms, sommes des migrants dans ce pays depuis 800 ans ».
Au début de l’année, il avait reçu le prix Raoul Wallenberg, en reconnaissance de ses efforts pour promouvoir la coexistence pacifique entre communautés.
László Bogdán a été retrouvé mort mardi matin, dans son village de Cserdi. Il s’est vraisemblablement suicidé, à l’âge de 46 ans.