Depuis deux ans, Budapest Brain Bar s’impose comme LE rendez-vous « du futur » en Europe centrale. A mi-chemin entre une conférence TED et un rassemblement « tech », la troisième édition a réuni près de sept mille participants autour de débats aussi variés que la place des robots d’ici 2025, la protection de l’environnement ou encore le revenu universel de base. Tour d’horizon.
Cogitations hic et nunc sur le futur – « Nous sommes probablement face à la plus grande des révolutions du monde du travail. La robotisation sera une libération, comme lorsque ma grand-mère a reçu sa première machine à laver et s’est mise à gagner sa vie » lance Péter Árvai, co-fondateur du logiciel de présentation Prezi dans un sous-sol bondé. La scène se passe à Akvárium, la salle de concerts qui héberge le Budapest Brain Bar chaque année depuis 2015 en plein cœur de Budapest. Péter Árvai est l’un de ses invités emblématiques. L’entrepreneur d’origine hongroise, qui a fait le choix d’installer les bureaux de Prezi à Budapest – mais la firme est aussi implantée aux Etats-Unis – partage son enthousiasme sur les nouvelles technologies, Prezi Next à l’appui : « On peut désormais étudier auprès des meilleurs professeurs d’Harvard depuis son propre ordinateur. Les technologies nous aident à construire des relations plus utiles et prendre de meilleures décisions. Les robots nous libéreront des tâches inutiles et l’on pourra se concentrer sur ce qui fait sens dans nos vies », continue Árvai.
« Des intervenants comme Péter Árvai ou Dávid Vitézy (ndlr : jeune ex-directeur des transports budapestois BKK) sont stimulants. Ils tiennent des discours qu’on n’entend nulle part ailleurs », estime Gábor Kovács, trente-deux ans. Ce graphiste au sein d’une agence créative basée à Budapest, est venu pour la première fois, comme vingt-quatre de ses collègues passer trois jours sur la conférence, envoyé par son entreprise. Alex Daish a lui fait le déplacement de Londres. Avec son ami Nick, ils ont vu l’événement annoncé sur Wired, le magazine de référence des geeks et connectés. Ni une ni deux, ils ont pris leur ticket pour Budapest : « ça fait du bien de sortir de notre bulle londonienne. Budapest Brain Bar est au niveau des conférences qu’on fréquente habituellement. En plus, Budapest est une vraie découverte ! »
À Budapest Brain Bar, les conférences se suivent mais ne se ressemblent pas. Bonne pioche que l’intervention d’Albert-László Barabási, l’un des gourous en matière de réseaux, une science née en Hongrie sous l’égide des mathématiciens Erdős et Rényi. « La plupart des nœuds de réseau ont le même nombre de connections. Le modèle s’applique en biologie comme en informatique », annonce Barabási. Quarante minutes plus tard, on se sent moins ignorants sur les lois qui régissent le métabolisme cellulaire ou les piliers du monde de l’entreprise : eh oui, cet échelon provincial qui discute avec tout le monde et se charge de répandre les commérages au sein d’une entreprise ayant sollicité l’expertise du scientifique. CDFD.
Robots, cerveaux et politiciens du Fidesz
Si les robots et l’intelligence artificielle (AI en anglais) sont dans toutes les bouches, et les smartphones dans toutes les mains, les politiciens du Fidesz sont également invités à débattre. Quitte à se montrer sous un jour nouveau, oubliant presque leur portefeuille gouvernemental. Katalin Novák par exemple, secrétaire d’état à la famille du gouvernement Orbán, se retrouve à discuter dénatalité avec le rabbin hongrois Slomó Köves et Travis Reider, spécialiste en bioéthique. « L’empreinte carbone d’une famille américaine est insoutenable. Nous nous devons de faire moins d’enfants pour le futur de la planète », argumente le professeur à l’université Johns Hopkins. « L’important c’est que nous élevions notre progéniture dans le respect de l’environnement. Nous ne pouvons pas uniquement prendre en compte le facteur environnemental. Qui financera nos retraites si le taux de natalité hongrois se maintient à la baisse ? », riposte Katalin Novák.
BMW en Ali baba des données ? Séance de yoga et concerts assurent la détente entre deux brainstormings et autres conférences « sponsorisées » par KPMG ou BMW. Résultat : un contenu qui frise le promotionnel, ou au contraire s’avère intéressant. Soit BMW doit désormais jongler avec des données de diverses provenances pour mieux anticiper les comportements de ses automobilistes. La voiture n’est plus un élément de statut social et l’expérience s’est décentrée du véhicule vers le consommateur. Ok.
Google et E-stonie – Budapest Brain Bar, se sont aussi des pointures internationales, à l’instar de Greg Corrado, responsable de l’intelligence augmentée chez Google on encore Toomas Hendrik Ilves, ancien président estonien, bien connus des tweetos et promoteur du concept de nation start-up. « L’e-administration rend la vie des administrées de l’Union européenne plus vivable », expliquant comment l’Estonie et sa voisine la Finlande ont réussi à mettre en commun leur base de données en matière de santé « Cela a pris cinq ans mais ça aurait pu prendre quelques heures ! » de l’aveu de l’intervenant.
Décloisonner, la clé du succès ?
« À Brain Bar on aime décloisonner : on confronte universitaires, hommes politiques, entrepreneurs… nous ne sommes pas un événement start-up. Nous nous concentrons sur le capital humain, à travers des panels minutés propres à l’événement, par exemple un modérateur brûle les mythes autour d’un sujet, déroulés au fil du débat : Internet est-il un droit de l’homme ? Et puis le festival a aussi donné mille entrées gratuites à des écoliers et étudiants : c’est notre vrai public cible. En tout, un tiers du public vient de l’étranger et la moitié est ici pour la première fois. Cette année Brain Bar était aussi accessible en streaming », révèle Gergely Böszörményi-Nagy, initiateur de Budapest Bain Bar.
Le festival semble avoir trouvé sa vitesse de croisière. Son nombre de participants et de sponsors a plus que doublé en deux ans, quitte à devoir jouer à guichet fermé. De quoi justifier un déménagement l’an prochain. Et si les invitations pleuvent de l’étranger, Brain Bar reste dans la capitale hongroise : « Budapest fait partie du package conférence et nous voulons nous inscrire dans le paysage urbain », conclut Gergely Böszörmenyi-Nagy.