Avez-vous déjà entendu parler de ces trois hommes qui, il y a tout juste un an, ont remplacé le drapeau présidentiel flottant sur le toit du Château de Prague par une énorme culotte rouge ?
Traduits en justice, ils encouraient jusqu’à trois ans de prison. À présent, ils peuvent pousser un grand « Ouf ! »… jusqu’à nouvel ordre, car ils n’ont été acquittés que par un tribunal de première instance.
Le juge : La Tchéquie n’est pas un régime totalitaire
Pour la juge Šárka Šantorová, l’acte des membres du groupe artistique Ztohoven (traduction littérale : « Les 100 merdes ») ne pourrait être qualifié ni comme un vol ni comme une atteinte à l’ordre publique, qui ont fait l’objet de l’accusation. Dans son verdict, la juge souligne qu’une éventuelle condamnation dans cette cause aurait constitué « un précédent juridique dangereux » qui (nous) aurait rapprochés « des régimes totalitaires limitant la liberté de l’expression ».
En effet, pour ces trois hommes qui ont hissé la culotte rouge sur le siège du président de la République, il ne s’agissait pas d’un acte gratuit. Ils voulaient protester contre la politique de l’actuel maître des lieux, le président Miloš Zeman, qui ferait ami-ami avec les chefs des régimes communistes ou postcommunistes de l’Est (Russie, Chine, Kazakhstan…), tout en tournant le dos aux alliés occidentaux de la Tchéquie, membre de l’UE ainsi que de l’OTAN.
D’ailleurs, au sein de l’Union, le président Zeman préfère aujourd’hui tisser des liens avec les membres des courants nationalistes, comme le démontre l’accueil chaleureux qu’il a fait à Norbert Hofer, le candidat du FPÖ à l’élection présidentielle autrichienne, ce 12 septembre à Prague. Miloš Zeman est allé jusqu’à avouer face à la presse qu’il était « fan » de Hofer à l’élection présidentielle dans ce pays voisin de la Tchéquie, car il «n’aimait pas les Verts».
Culotte rouge en tant qu’objet d’art
La culotte rouge de 1,5 mètre de long et de 1,4 mètre de large qui, pendant une vingtaine de minutes, avait flotté sur le Château de Prague, est entre-temps devenue un objet de désir des collectionneurs qui ne peuvent cependant pas y mettre la patte ; elle a été réquisitionnée pour servir de pièce à conviction lors d’un procès. Pourtant, les trois jeunes performeurs l’ont déjà vendue à un collectionneur pragois pour la modique somme d’un million de couronnes tchèques (à peu près 40 000€). Il leur aurait payé 7 couronnes en acompte et, au cas où il offrirait l’œuvre à la Galerie nationale de Prague, les vendeurs seraient prêts à faire un geste, réduisant leur prix de 999 993 couronnes…
On ne sait pas si la Galerie nationale serait intéressée par ce sous-vêtement d’un géant qui jusqu’ici ressemblait plutôt un artefact politico-médiatique.
Mais revenons à la cause judiciaire : suite à l’acquittement des trois accusés, le procureur qui veut du sang a aussitôt fait un recours. Affaire à suivre.