Marian Turski, ancien prisonnier du camp d’Auschwitz, a prononcé un discours remarquable lors de la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi, le 27 janvier, livrant un plaidoyer pour la démocratie et les droits de l’Homme.
Quatre jours après les commémorations dévoyées par de basses considérations politiques qui se sont tenues à Yad Vashem en Israël la semaine dernière, les commémorations qui se sont déroulées lundi sur le site du principal camp d’extermination nazi ont tenues leurs promesses de laisser la première place aux messages des rescapés.
Le président polonais Andrzej Duda n’a pas cédé à la tentation d’utiliser cette tribune pour alimenter la polémique suscitée par les attaques du président russe Vladimir Poutine et a prononcé un discours que même ses adversaires ont reconnu fort. Plusieurs rescapés ont aussi pris la parole, telle qu’Elsa Baker, internée alors qu’elle était une fillette de huit ans, aujourd’hui résidente en Grande-Bretagne.
Mais ce sont les mots prononcés par Marian Turski, depuis une estrade montée devant l’entrée principale du camp, qui resteront de cette commémoration. Après avoir survécu à Auschwitz, cet homme né en 1926 et aujourd’hui âgé de 93 ans, a été journaliste à l’hebdomadaire Polityka et est encore à l’heure actuelle président du musée de l’Histoire des Juifs polonais, à Varsovie.
« Mon meilleur ami, Roman Kent, président du Comité international sur Auschwitz et qui était ici-même il y a cinq ans, a inventé un onzième commandement : Tu ne seras pas indifférent », a déclaré Marian Turski. « Et voici ce que je voudrais dire à ma fille, à mes petits-enfants et à leurs semblables, qu’ils habitent en Pologne, en Israël, aux Etats-Unis, en Europe occidentale ou en Europe de l’Est, surtout en Europe de l’Est :
Ne restez pas indifférents lorsque vous voyez des mensonges, des mensonges historiques ;
Ne restez pas indifférents lorsque vous voyez le passé être déformé pour des considérations politiques ;
Ne restez pas indifférents lorsqu’une minorité quelle qu’elle soit est discriminée, parce que l’essence de la démocratie est que la majorité gouverne, mais la démocratie repose sur les droits des minorités à être protégées ;
Ne restez pas indifférents lorsqu’un pouvoir ou un gouvernement enfreint le contrat social ;
Soyez fidèles à ce commandement, le onzième, parce que si vous êtes indifférents, vous ne remarquerez même pas le jour où un autre Auschwitz tombera du ciel. »
Le discours complet de Marian Turski le 27 janvier 2020 (sous-titré en anglais)