Dans un discours qu’il voulait historique, prononcé samedi à Varsovie, le président des États-Unis a insisté sur la protection de l’état de droit et de la liberté de la presse, malmenés également en Pologne.
Éditorial – Samedi soir dans la cour du château royal de Varsovie, Joe Biden a délivré un discours dont la Maison Blanche avait prévenu qu’il serait « majeur ». « Nous voilà de retour dans la grande bataille pour la liberté : une bataille entre la démocratie et l’autocratie, entre la liberté et la répression, entre un ordre fondé sur des règles et un ordre régi par la force brute », a déclaré le président américain, devant un parterre de plusieurs centaines d’invités, dont son homologue polonais Andrzej Duda et ses prédécesseurs.
Basculé depuis le déclenchement de la guerre dans l’Ukraine voisine au centre du « Grand Jeu » géopolitique, avec Varsovie devenue la tête de pont logistique de l’aide humanitaire et militaire européenne et américaine apportée à Kiev, le gouvernement national-conservateur polonais pourrait être tenté d’y voir un combat civilisationnel porté par le monde occidental.
Mais Joe Biden, qui a tendu la main au peuple russe (« vous n’êtes pas nos ennemis »), a pris un soin particulier à inscrire la lutte sur le terrain de la démocratie. « Dans la lutte éternelle pour la démocratie et la liberté, l’Ukraine et son peuple sont en première ligne pour sauver leur nation. Leur résistance courageuse fait partie d’un combat plus large pour un principe démocratique essentiel qui unit tous les peuples libres : l’état de droit ; élections libres et équitables ; la liberté de parler, d’écrire et de se réunir ; la liberté d’adorer comme on veut ; liberté de la presse. Ces principes sont essentiels dans une société libre », a-t-il déclaré.
Andrzej Duda et le gouvernement de Jarosław Kaczyński se sont-ils sentis indirectement visés ? Eux qui ont récemment tenté de « repoloniser » la chaîne d’actualités en continu TVN24 en expropriant l’américain Discovery. Et qui, de façon générale, se verraient bien bâtir un système médiatique aux ordres comme en dispose le Hongrois Viktor Orbán ? Tête de pont logistique vers l’Ukraine, admirable dans son soutien non « pas aux réfugiés mais à nos frères ukrainiens », comme l’a dit Duda (lire ici et là), la Pologne n’est pas pour autant un poste avancé de la démocratie face à la Russie.
« Hypocrisie » dénonce dans Wyborcza le juriste Marcin Matczak (que nous avions interviewé ici). « Depuis sept ans, le PiS prêche des valeurs proches de Poutine : mépris de l’État de droit, haine de l’altérité, nationalisme ». Tandis qu’Adam Bodnar, emblématique Défenseur des droits jusqu’il y a peu, souligne que la Pologne ne se conforme toujours pas aux arrêts de la Cour de justice de l’UE et de la Commission européenne, et juge que la guerre n’empêche pas le PiS de continuer à éloigner son pays de l’Union.
Joe Biden confiait ses inquiétudes il y a 25 ans
En 1997, alors sénateur, Joseph Biden était en visite à Varsovie pour évaluer la candidature du pays à l’Otan, « une alliance de la démocratie », avait-il insisté. Sceptique, il confiait alors ses « inquiétudes » concernant la liberté des médias en Pologne et prévenait que l’« ingérence du gouvernement dans le contenu des informations télévisées est inacceptable dans toute démocratie ».
Or, qu’en est-il, 25 ans plus tard ? Les médias publics polonais sont une machine de propagande haineuse au service exclusif du Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński. Ces médias qui n’ont pas hésité à contester la victoire de Joe Biden contre Donald Trump en 2020.
Il est aussi là, le combat démocratique qui se joue.