Ukraine : Quand la guerre est arrivée dans mon quartier

Tranchées dans les parterres de fleurs, bombardements et magasins éclairés à la bougie. Notre journaliste, qui s’est installée en Ukraine en février 2021, raconte l’évolution d’Obolon, son quartier du Nord de Kyïv pendant la guerre.

Kyïv, Correspondance – Depuis plusieurs semaines, en cette mi-février 2022, la télévision comme les journaux ne parlent que d’une chose : comment se préparer à une invasion. Que mettre dans une valise d’urgence, dans ses réserves de nourriture ? Où sont les bunkers les plus proches ? Une conversation difficile à imaginer en Europe, au XXIème siècle. Assises avec Anastasia, ma colocataire dans la cuisine de notre appartement d’Obolon, un quartier du Nord de Kyïv, autour d’un thé, nous abordons la question sur le ton de la blague. Après tout, nous sommes toutes les deux journalistes – elle pour la télévision ukrainienne, moi pour les médias français – nous devrions être les mieux préparées, non ?

« Et si ça arrive, on fait quoi ? » La guerre, un mot un peu trop grand pour nous à l’époque. Nous avons en tête les bombardements des films d’action fantaisistes. La cave en bas ? Humide, sans sortie sur l’extérieur. Le sous-sol de l’école à côté ? Pas sûre qu’elle reste ouverte en cas de conflit armé, comme promis. « On ira se réfugier dans le métro, à sept minutes à pied top chrono, on fait un petit sac d’urgence au cas où et on arrête d’en parler parce que ça me stresse », lance Nastya (diminutif d’Anastasia). Nous balayons l’hypothèse d’une invasion d’un revers de main, en reprenant une gorgée de thé. En regardant par la fenêtre de l’appartement du neuvième étage, situé à l’orée de la capitale, nous songeons : « en tout cas, si la guerre arrive, on sera les premiers à le savoir ». Au loin, depuis le neuvième étage, la forêt s’étend jusqu’au Belarus. Là où quelques-uns des 150 000 soldats russes se préparent à attaquer l’Ukraine.

Quartier modèle soviétique

Obolon est un quartier relativement nouveau. Construit dans les années 70 sur une plaine asséchée – ce que signifie son nom – le quartier accueille près de 310 000 résidents, plus qu’une ville régionale comme Kherson. Le raïon constitue un véritable mélange social et architectural, entre les nouveaux riches dans des complexes luxueux près du métro et la grande majorité de classe moyenne ayant reçu gratuitement pendant l’URSS des appartements dans des immeubles de six à dix étages à l’image de mon appartement. Ces barres d’immeuble de neuf étages, appelées Khrouchtchevka car les constructions ont commencé à l’époque de Khrouchtchev dans les années 1960, pourraient être des modèles de l’architecture soviétique. Des barres d’immeuble grises, monotones, avec la même peinture bleu ciel délavée du pod’yezd – l’entrée – et les balcons en bois rajoutés à la main par les propriétaires.

Ces édifices définissent l’identité visuelle des quartiers post-soviétiques. De Bichkek à Riga, en passant par Volgograd et Marioupol, les mêmes bâtiments rappellent le passé industriel et ouvrier de l’espace post-soviétique. A Obolon, ils logeaient les ouvriers de l’usine de bière du même nom. Avec le temps, des familles et des jeunes s’y sont installés, attirés par les loyers bon marché et la proximité du centre, à 15 minutes en métro.

Dans mon appartement de trois pièces, des journalistes, une activiste féministe, une web designer, une serveuse se succèdent comme colocataires depuis des années. L’été, la vie est rythmée par les pique-niques jusqu’à pas d’heure sur les plages du Dniepr à dix minutes à pied et, le dimanche, des balades en kayak pour rejoindre des petites îles sur le fleuve. Les grands-mères du coin s’installent sur les bancs des entrées pour papoter, nourrir les chats ou s’occuper de leur potager aux pieds des immeubles. Tulipes, hérissons, scarabées : entre les tours, au printemps, la nature reprend ses droits. En automne, le quartier se pare d’un orange éclatant. Sous l’URSS, Kyïv avait été désignée comme l’une des villes les plus vertes de l’Union. Depuis, la vie suit son cours comme les saisons. Il n’y a vraiment que l’hiver gris que je déteste à Obolon. C’est d’ailleurs en février que les chars sont arrivés.

« Les chars russes entrent dans Obolon »

J’ai préparé ma valise d’urgence pour quitter la ville. Mais le 24 février, à Kharkiv où je suis en reportage, je n’en ai pas besoin. Nous partons en catastrophe de la deuxième ville du pays pour rejoindre la capitale et éviter la bataille. Après 20 heures de route, je décide de dormir dans le centre. Ma deuxième colocataire, Lera, était immédiatement partie vers Odessa chez sa mère en Blablacar. Anastasia a rejoint la chaîne de télévision pour travailler. « Demain, on rentre à la maison ensemble », envoie-t-elle sur notre chat commun. Le lendemain : « non, on ne peut pas y aller, ça tire là-bas. » Nastya restera deux semaines dans le bunker, six mètres sous terre. Le 1er mars, leur antenne sera bombardée, faisant cinq morts. Les policiers gardant la télévision publique refusent de l’emmener récupérer quelques affaires. « Mais tu es folle ma petite, c’est la ligne de front là-bas. »

Le 25 février, comme les jours suivants, de quatre à neuf heures, les Russes bombardent aux abords et dans la ville. Cela fait deux jours, comment peuvent-ils être déjà aussi près ? Kyïv est vide, le métro arrêté. Des milliers de personnes s’y sont réfugiées. Quelques heures plus tard, des médias ukrainiens et internationaux titrent : « les chars russes entrent dans Obolon ». Difficile de démêler le vrai du faux quand des nouvelles effrayantes tombent chaque minute. Les trois stations de métro du quartier se barricadent avec des milliers de personnes à l’intérieur. Dans le brouillard de la guerre, on imagine des chars et des combats urbains. Selon les autorités ukrainiennes, des « groupes de reconnaissance russes » ont pris le contrôle de tanks ukrainiens et s’approchent du centre du pouvoir ukrainien pour s’en prendre au président. Depuis leur balcon, des habitants les filment dans des images qui font le tour du monde.

Un de mes collègues est obnubilé par une idée : prendre la photo des chars russes entrant dans Kyïv. J’habite au neuvième étage, avec une vue imprenable à la fois sur les bombardements et sur l’avenue qui menant au centre. « Génial, on ira demain », a-t-il répondu. Toujours voir le côté positif. La bande d’autoroute au-delà du quartier devient la ligne de front. L’armée commence à distribuer des armes sur la place, en face du McDonalds. L’hôpital commence à traiter les premiers blessés.

Le 31 octobre, les fenêtres tremblent. C’est la première fois depuis le début de l’invasion qu’il y a autant de frappes aussi proches.

Juste avant un couvre-feu de deux jours annoncé par les Ukrainiens, je quitte la ville en envoyant un message à une amie, persuadée que Kyïv sera bientôt en état de siège : « ça va être une boucherie. » Il y a également des rumeurs de destruction du barrage hydroélectrique de Vychhorod au-dessus du quartier. Ce que je ne sais pas à l’époque, c’est que les Ukrainiens ont détruit un barrage à une vingtaine de kilomètres au Nord, arrêtant la progression de l’armée russe sur l’axe menant à Obolon. Après la libération, j’y ferai un reportage. La ligne de front se déplace au Nord-Ouest à Boutcha et Irpin, sur l’autre grand axe routier menant au Belarus. Une forêt sépare les deux autoroutes, aujourd’hui complètement minée et sillonnée par des tranchées et des positions défensives. Sacrifié pour la défense de Kyïv, le village de Demydiv a, lui, toujours les pieds dans l’eau deux ans plus tard.

Tirs amis

En réalité, la plupart des combats urbains au début de l’invasion à Kyïv étaient des tirs entre les forces ukrainiennes à cause d’une mauvaise communication entre les unités, révèle BBC Ukraine dans une enquête publiée en mai 2023. La plupart de ces escarmouches ont été observées dans le quartier d’Obolon, le plus proche de la ligne de front, entre le 24 et le 28 février 2022.

« Le quartier reste vivant, les enfants jouent encore dans les rues ». Promenade à Kiev en temps de guerre & Dans la capitale ukrainienne, un été entre guerre et paix

En réalité, les « saboteurs russes » étaient des unités ukrainiennes se déplaçant vers les positions de combats dans le Nord, explique à la BBC plusieurs sources au sein de la 72e brigade mécanisée. Cette formation a subi des pertes à Obolon, sous le feu d’autres unités militaires et de combattants de la Défense territoriale. Dans le chaos des premiers jours, les autorités avaient ordonné aux armureries de donner des armes à tous les volontaires désirant défendre leur pays.

Plusieurs militaires qui ont participé à la bataille de Kyïv, interrogés par la BBC doutent que des groupes de sabotage auraient évolué dans le quartier. « Cela aurait été du suicide pour les Russes, la ligne de front était déjà stabilisée à Demydiv et Irpin », estime un militaire gradé ayant participé à la bataille, rencontré par Le Courrier d’Europe centrale en août 2023 dans le Donbass où est désormais basée sa brigade.

Parmi les chefs des forces de l’ordre ukrainiennes, seul le chef du service de sécurité ukrainien – qui n’était pas en poste à l’époque – Vassil Maliouk, a publiquement brisé le tabou du sujet des tirs fratricides accidentels. A Kyïv, dans les premiers jours de l’invasion, « il y a eu un chaos partiel, y compris des tirs amis. Nous avons été obligés de prendre des décisions de gestion d’urgence pour que tout fonctionne comme un orchestre », a-t-il déclaré dans une interview à l’agence ukrainienne Interfax en octobre 2022. Les militaires le savent : le voile du secret défense sera levé « après la guerre ». Mais l’image de tanks dans les rues d’Obolon reste.

Check-point sur le rond-point

Pendant un mois et demi, j’étais « en évacuation » à Lviv, selon la formule consacrée. Près de la moitié des quatre millions d’habitants de Kyïv ont quitté la capitale au début de l’invasion. A partir du 1er avril 2022 et du retrait des troupes russes des faubourgs du Nord de la ville, Boutcha, Irpin, Hostomel, les habitants de la capitale commencent à rentrer.

Je suis rentrée chez moi à Obolon quelques semaines plus tard, passant par des avenues désertes. Kesha, le chat roux, mascotte de l’immeuble, était toujours à la place de la concierge dans l’entrée. Des voisines des étages inférieurs m’ont immédiatement approché, sans colère par rapport au fait que je faisais partie de ceux ont fui. Flegmatiques, ces babouchkas, ne seraient jamais partie. « C’est ici chez nous, j’y ai passé toute ma vie, j’y mourrai s’il faut », a-t-elle lancé. Pendant un mois, ces retraitées se serraient les coudes. Étonnement, le plus gros problème n’était pas les bombardements quotidiens à une dizaine de kilomètres. Début mars, une fuite d’eau dans l’appartement juste en dessous du mien a détruit le système électrique d’une partie de l’immeuble. Les locataires étaient en exil en Europe. Et aucun réparateur ne voulait se déplacer si près de la ligne de front. L’un des appartements dans l’immeuble en face a brûlé. Après avoir jeté les fleurs fanées de la Saint-Valentin et les restes pourris du frigo, j’ai commencé à faire ma valise. Pour choisir ce que j’emmènerais si nous devions partir à nouveau.

Le quartier semblait identique à celui que j’avais laissé. Les fleurs aux pieds des immeubles gris. La plage sur le Dniepr. Les châtaigniers des cours intérieures. Les kiosques près du métro. Mais la guerre se niche dans les détails et dans les absences. Pas un enfant sur les balançoires. Pas une voiture sur les routes. Le centre commercial Dream Town, portes closes. Les hérissons anti-tanks sont encore là. Des tranchées ont poussé dans les parterres de fleurs. Le seul endroit où l’on trouve âme qui vive, c’est la queue pour les distributions humanitaires de nourriture.

Les sirènes résonnent plusieurs fois par semaine et de temps en temps, nous entendons un bombardement dans le Nord, sur une base militaire à la sortie de la ville. Les mois suivants, le quartier se remplit peu à peu, mais pas des mêmes habitants. Dans la rue, les véhicules immatriculées à Lyssytchansk, Marioupol, Severodonetsk, se multiplient. Beaucoup de classes moyennes de ces localités rasées et occupées par les Russes se sont installées à Obolon. Et ceux qui pouvaient, notamment les femmes et les enfants, ont quitté le quartier. En mai, j’ai ainsi accueilli la mère d’une amie. Daria s’est installée en Slovaquie, et ses parents ont pris sa place dans son appartement de Kyïv après avoir fui l’occupation dans le Nord du Donbass.

Le quartier, traditionnellement plutôt russophone, passe de plus en plus à l’ukrainien. Pendant plusieurs mois, les panneaux publicitaires de la Saint-Valentin restent affichés, comme si le temps s’était figé en février, même en plein été. Puis les affiches pour soutenir l’effort de guerre se multiplient. Dans le métro, l’une d’elle affiche seulement “Smilyvist”. Courage en ukrainien, en lettre bleues sur fond jaune. La plupart des magasins rouvrent sauf les chaînes internationales comme Zara ou H&M. Le bâtiment d’habitation qui avait été détruit dans une frappe le 15 mars est progressivement reconstruit. Le parc Natalka où se trouvaient les défenses aériennes redevient un lieu de promenade apprécié des familles. Les traces des combats se lisent dans les détails. Vous ne verrez pas une seule ambulance ukrainienne, seulement des polonaises, slovaques et même françaises qui font toutes un bruit différent, données par les partenaires occidentaux. La plupart des ambulances ukrainiennes ont été détruites dans les combats. Les sacs de sable couvrent encore les fenêtres de l’hôpital qui servait de lieu d’accueil quand la ligne de front se trouvait à 10 kilomètres.

L’été semble être une parenthèse de paix dans un pays en guerre. Le centre commercial Dream Town ouvre à nouveau. Signe que les choses reviennent à la normale : les bouchons traditionnels de Kyïv sont revenus. Une à deux fois par mois, un missile tombe quelque part dans l’immense capitale. A Obolon, on entend surtout de rares bombardements nocturnes sur une base militaire dans la ville voisine au Nord. Les sirènes hurlent plusieurs fois par semaine mais de moins en moins de riverains descendent au métro ou à la cave à chaque alerte. Certains vont se cacher immédiatement à l’alerte. Je me souviens d’une habitante avec ses deux enfants en bas âge qui avait un sac prêt en permanence avec de l’eau, de la nourriture, des jeux, un tapis de sol, pour passer une nuit dans le métro si besoin. « J’ai même une valise en cas d’attaque nucléaire », a-t-elle dit fièrement. D’autres restent tranquillement chez eux.

La question des sirènes est devenue un casse-tête pour les magasins et cafés d’Obolon. A chaque sirène, les clients se font jeter dehors, abandonnant leurs cappuccinos ou leurs courses. Ils attendent alors, avec les employés dehors en fumant une cigarette ou en discutant. Les kiosques, sentant l’opportunité commerciale, restent ouverts. En principe, les policiers vérifient et peuvent mettre une amende. Comble de la normalité, McDonald’s rouvre, et pendant quelques jours, une queue se forme devant. La vie reprend son cours. Fin 2022, Kyïv atteint sa population d’avant-guerre, selon le maire Vitaly Klitschko, 3,6 millions de personnes dont 300 000 déplacés internes. Dans la rue ou dans les cafés, on remarque surtout les absents. Peu d’hommes en âge de combattre. Certains sont au front, certains se cachent pour éviter la mobilisation.

Coupures d’électricité

A partir du 10 octobre 2022, la guerre entre dans une nouvelle phase, les sirènes sont quotidiennes et véritables cette fois. Une fois par semaine, la Russie bombarde les infrastructures électriques et notamment la station électrique près du barrage de Vychhorod au Nord d’Obolon. Le 31 octobre, les fenêtres tremblent. C’est la première fois depuis le début de l’invasion qu’il y a autant de frappes aussi proches. L’électricité s’arrête soudainement. Puis l’eau. Nous descendons au métro. Une femme avec ses enfants court, des couvertures plein les bras. Après quelques heures, je remonte à la surface. Plus de réseau dans tout le quartier. « On a l’impression de vivre à nouveau le 24 février », souffle une passante qui cherche désespérément des nouvelles de ses proches. Le bazar couvert ouvre. Une bouchère pose des bougies au milieu de ses steaks. Les supermarchés ne peuvent fonctionner sans générateurs.

C’est le début d’un hiver dans le noir, sans éclairage public, avec de moins en moins d’électricité. Il fait nuit à 16 heures en Ukraine. La compagnie d’électricité a donné un programme de délestage, mais les frappes régulières le rendent vite obsolète. Les habitants vivent au rythme des coupures. Se lever à quatre heures pour faire une machine ou se sécher les cheveux. Écouter la radio à piles, faute de réseau. Porter constamment une lampe frontale dans la rue ou dans sa chambre pour s’orienter. Ceux qui n’ont pas le gaz sont les moins chanceux, sans chauffage ni gazinière. Après quelques semaines, le vrombissement des générateurs devient la bande-son de l’hiver. Un « point d’invincibilité », un lieu où les riverains peuvent trouver du chauffage et de l’électricité a ouvert dans le centre commercial. Il y a en a des milliers dans toute l’Ukraine. Certains font leurs réunions sur zoom, d’autres jouent à des jeux de société ou regardent le foot en attendant que leurs portables chargent. En décembre, les coupures durent plusieurs heures par jour.

Nous n’avons que trois à cinq heures d’électricité par jour, parfois en pleine nuit. Ma colocataire décide de partir à l’étranger, moi aussi. Les irréductibles rendent leur appartement. La plupart de nos amis dans le quartier s’étaient déjà réfugiés dans l’UE ou à l’Ouest de l’Ukraine.

En décembre 2022, il est de plus en plus difficile de vivre dans le quartier. Ma colocataire décide de partir, moi aussi. Nastya part. Il n’y a plus personne dans le quartier. Le matin même, j’ai croisé les parents de Daria qui allaient au bazar. Son père a failli mourir quelques jours plus tôt, dans un village voisin d’Obolon où il a trouvé du travail. Une frappe sur un bâtiment civil. Sept morts, 35 blessés dont six enfants. « Je n’aurais jamais cru voir ça, des enfants en sang, des corps sans tête, des débris partout. Si j’avais été de l’autre côté du bâtiment, ça aurait été moi », a-t-il immédiatement écrit à sa femme. La mort à quinze minutes en bus de chez lui. Le jour suivant, il retourne au travail. Où pourrait-il aller d’autre ?

Un an plus tard, en octobre 2023, à l’aube du deuxième hiver de guerre totale, Obolon n’a pas vraiment changé … à première vue. L’espace public a été « décommunisé ». La rue du maréchal soviétique Semion Timochenko devient celle du dissident Levko Loukianenko qui a rédigé la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991. Celle du vétéran de la bataille de Stalingrad Rodion Malinovski est renommée en hommage aux « héros du régiment Azov ». Les tranchées dans les parterres de fleurs ont été remplies, les hérissons anti-tanks et checkpoints ont disparu. Mais la guerre reste dans les esprits. Au moins 78 % des Ukrainiens ont un proche qui a été tué à cause de l’invasion, selon une enquête de l’Institut international de sociologie (KIIS) publiée le 29 juin 2023. Les déplacés du Donbass sont désormais un peu plus chez eux à Obolon. Pour les habitants du quartier réfugiés à l’étranger, la perspective de rentrer s’éloigne. Le temporaire devient permanent.

Article publié avec le soutien de Heinrich Böll Stiftung | Bureau Paris – France.

Clara Marchaud

Journaliste indépendante multimédia basée à Kiev.