Tchèques et Polonais annexent Kaliningrad…sur Twitter

En réponse aux pseudo-referendums et annexions des républiques fantoches par la Russie en Ukraine, les internautes tchèques et polonais ont organisé leur propre annexion sur les médias sociaux, s’accaparant l’enclave russe de Kaliningrad.

« Il est temps de diviser Kaliningrad pour que nos frères tchèques aient enfin un accès à la mer », disait le tweet en polonais de papież internetu (le « pape d’internet ») le 28 septembre, récoltant plus de 30 000 cœurs. Un internaute tchèque s’est exclamé avec enthousiasme : « Make Kaliningrad Královec Again! », utilisant le nom historique tchèque de la ville.

S’ils sont plus de 13 000 à avoir signé une pétition en ligne demandant un referendum sur l’annexion de Kaliningrad à la Tchéquie, Andrej Poleščuk, un influenceur tchèque d’origine bélarussienne, a lancé un referendum sur Twitter, auquel 95,4% des 8 000 participants ont voté en faveur de l’annexion.

Il n’en fallait pas plus pour que l’idée devienne virale sur les médias sociaux, où Polonais et Tchèques s’échangent leurs références culturelles communes qui, comble de l’ironie, sont souvent héritées de l’époque communiste. Les ‘memes’ célébrant la fameuse Petite Taupe (Krtek) de Zdeněk Miler, un classique dans le Bloc de l’Est, montrent les personnages célébrant l’annexion, ou profitant simplement de la plage sur la Baltique nouvellement acquise.

« Les habitants de Kaliningrad en joie après leur annexion par la Tchéquie ».

Et la vie coule doucement sur la plage du petit Kaliningrad. Source : compte Twitter @Davsxc

Les Polonais s’y mettent aussi

Les internautes polonais, de leur côté, ont aussi remis au goût du jour les étoiles de la pop‘ tchèque de la Guerre froide pour leurs ‘memes’, parlant du porte-avion Karel Gott (sorte de Johnny Halliday tchèque version pop, récemment décédé) ou bien du sous-marin Helena Vondráčková (chanteuse pop).

Mêmes les institutions tchèques ne se sont pas gênées pour rejoindre les plaisantins. Le ministre des Affaires étrangères lui-même, Jan Lipavský, a fait référence à l’annexion sur Twitter. « Le partenariat avec nos voisins baltes n’a jamais été aussi fort », s’est-il réjouit. Quant à la ville de Brno, elle a très galamment cédé son rang de deuxième ville du pays à Královec. Les comptes de la compagnie d’assurance nationale, du transport en commun pragois ou encore de la police de Pardubice y vont aussi de leur blague.

Le sujet a finalement débordé dans les sphères anglophones avec le hashtag #KaliningradIsCzechia, notamment diffusé à ses quelque 315 000 abonnés par Paul Massaro, conseiller politique du Comité Helsinki américain (organe gouvernemental autonome), très actif sur la guerre russo-ukrainienne.

Si l’idée est bien sûre farfelue, elle reprend à la lettre la logique gouvernementale russe, qui manipule l’histoire sans vergogne. En effet, la ville de Kaliningrad a été fondée en 1255 en l’honneur du roi de Ottokar II de Bohême de la dynastie des  Přemyslides, qui avait aidé les croisés allemands à défaire les Prusses païens. Appelée Königsberg (Mont-roi), elle a été de culture majoritairement allemande jusqu’à sa destruction et son annexion par l’Union Soviétique en 1945, qui l’a rebaptisée Kaliningrad. Aujourd’hui, l’enclave de Kaliningrad appartient à la Russie et sa position nourrit dernièrement les tensions avec ses voisins baltes, la Pologne et la Lituanie.

Adrien Beauduin

Correspondant basé à Prague

Journaliste indépendant et doctorant en politique tchèque et polonaise à l'Université d'Europe centrale (Budapest/Vienne) et au Centre français de recherche en sciences sociales (Prague). Par le passé, il a étudié les sciences politiques et les affaires européennes à la School of Slavonic and East European Studies (Londres), à l'Université Charles (Prague) et au Collège d'Europe (Varsovie).