Les « expats » parlent aux « expats »

Mardi à 18h, les éminents expatriés de Budapest étaient invités à l’émission consacrée aux expatriés économiques 24h chrono de l’international, sur la web tv news21.tv. A l’image des partenariats de ce programme, on n’allait pas s’étouffer avec de l’indépendance ni avec des polémiques. Une opération séduction et diplomatique des Français de Budapest, en quelque sorte, pour rendre la Hongrie attractive pour les entreprises. Sans surprise, ni la forme d’impérialisme économique des multinationales abrité par les règles de l’Union européenne, ni – à l’opposé – les accusations de protectionnisme dont le gouvernement hongrois fait régulièrement l’objet, n’ont été abordées.

René Roudaut interviewé via MSN, le 25 janvier 2010

Pour sa 5ème édition, l’émission recevait la Hongrie, ou plus exactement Budapest, via des intervenants officiels et des cadres d’entreprises de déménagement (AGS) et d’aide à l’expatriation. Une dentiste directrice d’une clinique franco-hongroise est également venue faire l’éloge du « phénomène » tourisme dentaire en Hongrie.

Parmi les officiels, il faut bien le dire sans pour autant sortir notre brosse à reluire, l’Ambassadeur de France René Roudaut a pour le moins rehaussé le niveau, en direct via MSN, en dressant un bref tableau, certes un peu « tout rose », mais assez complet, de la vie économique franco – hongroise.

M. l’Ambassadeur a commencé en déclarant qu’avec environ 380 entreprises françaises présentes en Hongrie, parmi lesquelles figurent la moitié des grands groupes du CAC40, la France est surtout présente dans les secteurs suivants : l’industrie pharmaceutique, les biotechnologies, l’hôtellerie de luxe, la grande distribution et les services publics, notamment les concessions sur l’eau, le chauffage urbain, le traitement des déchets, et aussi depuis quelques années la construction d’infrastructures (il a par exemple cité les stations de traitement de l’eau, la ligne 4 du métro de Budapest et les autoroutes). Il a également ajouté que la France est le 4ème ou 5ème partenaire sur le plan de l’implantation de ses entreprises en Hongrie selon les années, et le 3ème quant aux investissements directs, « ce qui garantit pour l’avenir un flux d’échanges entre la France et la Hongrie tout à fait significatif » (sic).

Roudaut rehausse le niveau sur le thème des médias…

Dès le début de l’ intervention de M. l’Ambassadeur, le journaliste s’est tout de même risqué à l’interroger (courageusement) sur « les polémiques actuelles ». Il s’est cependant arrêté aux « bruits » entendus à propos de la réforme des médias. M. l’Ambassadeur a eu une réponse diplomatique, certes, mais juste :

« Je crois qu’il ne faut pas faire de faux-procès à la Hongrie. Je pense que le projet de loi sur les médias a certainement des aspects qui doivent être revus, et les autorités hongroises ont fait savoir que si la Commission (européenne) leur demandait de refaire leur copie, elles y étaient tout à fait disposées. Je crois que nous sommes dans pays qui est un Etat de Droit, un pays qui se heurte aussi à des difficultés bien sûr. C’est surtout un pays qui est dans une situation toute nouvelle, où un nouveau gouvernement est appuyé par une majorité de deux tiers au Parlement, ce qui, évidemment, donne une capacité de manoeuvre qui est parfois difficilement comprise à l’extérieur. Mais je ne crois pas qu’il y ait de soucis à se faire pour la démocratie hongroise… »

… mais pas un mot sur le « protectionnisme » hongrois

Mis à part « les difficultés » du pays auxquelles René Roudaut a rapidement fait référence, pas un mot concernant les taxes spéciales dites « de crise » récemment instaurées en Hongrie. Ces dernières ont pourtant le don de faire hurler à la mort les grands groupes français des secteurs bancaire, de la grande distribution et de l’énergie. Dommage, car dans la presse économique internationale et en particulier en France, on ne manque pas de souligner l’aspect protectionniste de ces mesures. On le comprend bien, les détails de la construction du métro avec Vinci et ceux de l’achat de rames Alstom à Budapest, par exemple, n’auraient pas été de bon ton dans cette opération communication. Quant au conflit qui oppose la ville de Pécs au groupe GDF – Suez depuis plus d’un an, n’en parlons pas.

Pourtant, dans sa seconde intervention, M. l’Ambassadeur n’a pas manqué de rappeler que « l’énergie représente pratiquement 20% des investissements français, (…) aujourd’hui principalement dans le secteur des économies d’énergie et de la protection de l’environnement, où il y a un marché considérable dû à un certain retard accumulé par la Hongrie, qui n’a changé de régime politique et économique qu’il y a 20 ans seulement. Sur un certain nombre de secteurs, nos entreprises ont une véritable valeur ajoutée où elles sont attendues » (sic). Espérons pour elles qu’elles ne soient pas plutôt attendues… au tournant.

Budapest Accueil, le « Pôle Emploi » des Français en Hongrie ?

Les interventions d’Ingrid Lamblin (Branch manager d’AGS) se sont révélées très pertinentes, quant à l’importance du développement du réseau routier hongrois et à la position stratégique de la Hongrie en termes logistiques. Elles l’ont également été concernant l’habitat dans les quartiers d’expatriés (plus cher qu’ailleurs), puis sur l’art de vivre ainsi que sur l’accès à la culture et aux loisirs dans un rapport qualité – prix très intéressant pour une capitale européenne.

Outre le point de vue aguerri d’Ingrid Lamblin, qui vit à Budapest depuis longtemps, l’émission présente également l’association Budapest Accueil comme le comité incontournable à fréquenter pour trouver un emploi et se socialiser à Budapest. Selon les intervenants de l’émission, l’emploi des Français en Hongrie repose donc surtout sur des réseaux (écoles de commerce et grandes écoles françaises, Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Hongroise), sur des « pistons » ou des « affinités » dans un système fermé de « clubs ». Budapest Accueil serait l’un d’entre eux. Selon Claire Moreau, représentant à Pôle Emploi international, plusieurs offres d’emploi auraient été pourvues grâce à l’association. Pourtant dans certains couloirs officiels à Budapest, on entend dire que l’activité de cette association tourne essentiellement autour de « réunions tupperware » organisées par des « femmes de ».

Néanmoins, il existe bel et bien d’autres moyens de trouver un emploi par soi-même à Budapest : de plus en plus de jeunes expatriés « lambdas » en font l’expérience lors de leur installation en Hongrie. Il existe des réseaux plus informels et pour y rentrer, il suffit d’être spontané et sociable. Il y a aussi des sites de recherche d’emploi locaux tels que profession.hu, adaptés aux demandeurs d’emploi étrangers. Mais il ne faut pas se leurrer : si l’on ne parle pas le hongrois, l’intégration par soi-même et par le travail reste difficile. A moins que l’on aille « vendre son âme » dans un call center ou à IBM, entre autres.

Pour voir l’émission : mondissimo.com/24h_chrono2011/

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10 Comments
  1. LOL l’onu est aussi un bon filon ^_^ les cours particuliers de francais aussi ^_^
    n’oublions pas les VIA et VIE ^_^

    sinon je n’ai pas encore vu le reportage mais je confirme l’ensemble des propos remettant a peu pres bien les choses dans leur contexte ^_^

  2. Reportage pas trop mal.
    Pour trouver un emploi avec n’importe quelle association à Bp. c’est sûr qu’il faut mieux aller voir ailleurs.
    Pour Bp acceuil : « des femmes de »…. c’est évident…, pour le côté tupperware oui à 70 %….mais comme si je disais que HU LA LA est à 70% fait par des bobos fauchés, j’aurai aussi « un peu » tort…
    : )

  3. La recherche d’un emploi est une activité parmi d’autres proposées par Budapest Accueil et en aucun cas le 1er objectif de l’association!
    Le premier rôle des accueils à l’étranger est de créer du lien social et de permettre à celui qui ne travaille pas dans le couple (homme ou femme) de partager des activités de loisirs et de découverte du pays d’accueil et ceci dans un esprit de mixité sociale.(mais c’est certain qu’il y a plus d’expatriés cadres que de plombiers…)
    C’est un peu réducteur de considérer le travail comme seul facteur de réussite personnelle, l’association permet à celui ou celle qui a souvent accepté de mettre sa vie professionnelle entre parenthèses, de découvrir d’autres aspects de sa personnalité.
    J’ai connu l’expatriation (25 ans) avec et sans Accueil, je vote Pour ! cela permet une intégration en douceur dans les pays d’accueil.

  4. Je proposerai au rédacteur de cet article de moins trainer dans certains couloirs officiels à Budapest, et de rencontrer les membres de Budapest Accueil afin de se faire une réelle opinion sur cette association.
    Mais peut-être, au fond, rève-t-il qu’il hante certains couloirs « officiels » et donc qu’il connait du (beau)monde !

  5. ha ha c’est pas grave les filles, ce n’est pas forcement une mauvaise pub ^_^ voire meme au contraire, puisque
    1 ca prouve votre existence (autrement que pour des galettes des roi chez l’ambassadeur du moment ^_^ )
    2 ca vous donne une place d’expression ou vous pouvez parler en tnt qu’asso et ainsi promouvoir indirectement l’asso 🙂

    toutefois, je precise qu’a mon avis, le redacteur ne donne pas son avis personnel mais ne fait que retranscrire l’avis des residents permanents francophones a budapest (principalement ceux avec un contrat hongrois cad grosso-modo ceux reticents a depenser 8 000 Ft pour un simple picnic :-p)

    j’ajouterais que les createurs d’hulala sont bien des bobos fauches et ils l’assument tres bien 🙂 Cela ne les empeche pas de faire preuve d’un certain serieux a, depuis 2 ans bientot, fournir regulierement une information en francais. Bon certes c’est souvent un peu gauchiste, mais quelle redaction peut se targuer d’etre 100% objective. (A quand le pendant un peu capitaliste d’hulala :-p ??? un peu de concurrence c’est toujours bon :-p)

    les gens qui me connaissent disent surement des choses un peu reductrices de moi mais finalement vu de l’exterieur, ils ont surement raison (vu que de l’interieur je suis parfait hi hi hi :-p). Ainsi je prefere savoir pour en jouer plutot que d’ignorer et que cela me desserve.

    sinon je veux bien etre invité a une rencontre: etre au milieu de plein de femmes j’ai toujours trouvé ca agreable ^_^ je peux meme faire un gateau 😀

  6. je viens de prendre le temps de regarder le reportage (et accessoirement perdre inutilement 20 min de ma vie lol)… rien de nouveau sous le soleil… c’est clairement un discours consensuel d’expats a l’ancienne.
    Seulement avec l’europe, shengen et la crise, ils sont de plus en plus rare.
    Par exemple, avant la crise une societe francaise dans le domaine de la construction (metro 4 par exemple) employait une vingtaine d’expat en europe ( salaire et contrat fr, indemnisation totale du logement, primes de delocalisation), en 2010 il n’y en avait plus qu’un. les potes ont ete supprimes ou convertis en contrat local.
    Ce qui fait que ceux qui gardent un contrat d’expat ancienne version sont de plus en deconnectes de la vie reelle (ils l’etaient deja avant avec leurs salaires de fous mais dorenavant ils sont de plus en plus seuls).
    En 5 ans meme moi, j’arrive a voir la difference de population de francais…
    Comme le dit justement René, la nouvelle population de francais sont des gens qui recherchent la qualite de vie pour un cout de fonctionnement moindre.
    toutefois, Ils (nous ^_^) restent (restons) des privilegies par rapport au gros de la population, mais pas d’une maniere demesuree.

    Que faut-il donc retenir de ce reportage ? ben pas grand chose, c’est, comme je l’ai ecrit au debut de ce post, la vision d’une hongrie d’expats a l’ancienne. Ou de gens qui se font de la pub. Une hongrie dans laquelle je ne serais jamais venu…
    Toutefois, on peut se feliciter d’avoir, et je rejoinds la redac d’hulala dans ce constat, un ambassadeur qui tire son epingle du jeu en montrant de justes connaissances du milieu et des reflexions pertinentes.
    Peut-etre qu’en plus d’avoir du bon sens, du fait que sa decouverte de la hongrie est recente/actuelle, il s’interresse au present ainsi qu’au futur et donc a toute la communaute francaise pas seulement ses privilegies.

    note: A votre avis pourquoi l’immobilier haut de gamme ne se vend/loue plus a budapest? tout simplement qu’il n’y a beaucoup moins d’expat de tout pays au logement paye par l’entreprise !

  7. Un excellent article, suivi de réflexions très pertinentes. Dommage qu’il s’arrête là où il commençait à devenir intéressant. C’était une belle occasion d’enchaîner sur le vrai Budapest – ce qu’a complètement zappé 24h chrono – à savoir celui de la majorité et non la vision réductrice et forcément fausse de l’élite expatriée dans sa bulle máriaremeteisque.

  8. magnifiques commentaires en effet…
    vu le monde dans lequel on vit, ça devient dur pour tous de ne pas être sa propre caricature (moi compris)…les commentaires en sont la preuve hélas

  9. Je suis daccord avec micewhisperer. Cet article devrait etre le point de depart dune reflexion plus profonde, prenant la forme dun dossier special dhulala, ou la redaction sinteresserait a la vie de certains francais ici a Budapest. On pourrait meme imaginer des portraits de certains representants ou des articles sur certains evenements pas forcement formels de la vie francophone a budapest comme les clubs de discussion que tout le monde connait. Cest bien gentil les soirees a lA38 mais tout le monde na pas une carte de journaliste pour ne pas payer lentree.

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