« Je me suis dit : quelque chose ne va pas », les étudiants ukrainiens de l’étranger s’inquiètent pour leurs familles

Ils s’appellent Volodymyr, Karina* ou encore Anton. Depuis l’invasion de l’Ukraine, leur pays natal, ces étudiants ukrainiens qui habitent en Lituanie sont les témoins impuissants de l’offensive russe, et s’informent comme ils le peuvent de l’évolution de la situation par le biais de leurs familles et des médias.

Tiraillés entre le besoin d’être auprès de leurs familles et la protection que procure le fait de résider en Lituanie, ces étudiants nous livrent leur ressenti à l’égard d’une guerre qui, vécue de loin, les touche tout particulièrement.

Savoir sa famille vulnérable

« Je me suis réveillé et lorsque j’ai vu que j’avais deux appels manqués, je me suis dit : quelque chose ne va pas » nous raconte Volodymyr, âgé de 20 ans. Ce réveil douloureux, c’est aussi celui d’Anton, 22 ans, qui au petit matin, a reçu une somme d’argent importante de la part de son père, l’alarmant d’un potentiel effondrement du système bancaire ukrainien. Quant à d’autres, ils ne trouvent pas le sommeil. C’est le cas de Karina, étudiante de 23 ans en communication, qui a suivi l’escalade des tensions en direct, depuis Vilnius.

Karina écoute une allocution de Vladimir Poutine sur son ordinateur. Photographie : Lili Pateman.

Que ce soit à Kiev ou Dnipro, leur famille ont la plupart du temps été réveillées par les bruits des bombardements russes. Tous les trois restent en contact permanent avec leurs proches et sont tout autant affectés par l’invasion de leur pays. Ils vivent avec l’appréhension d’apprendre que leur ville cède à l’armée russe, que leur habitation soit bombardée ou pire encore, qu’un de leurs proches soit tué. De fait, on dénombre déjà au moins 137 morts côté ukrainien.

« tout peut dégénérer d’un moment à l’autre » (Volodymyr)

Volodymyr témoigne : « tout peut dégénérer d’un moment à l’autre ». Il appréhende le pire pour sa famille restée à Kiev, tout comme Karina qui se sent « coupable d’aller dormir », ne sachant ce qui peut se produire durant la nuit. Elle laisse désormais son téléphone allumé pendant qu’elle dort, afin d’être toujours prête à recevoir un appel de sa famille, demeurée à Kiev.

Craindre une escalade jusqu’en Lituanie

Si ces derniers se sentent en sécurité en Lituanie, ils sont unanimes pour dire que l’offensive russe en Ukraine est un avertissement pour toute l’Europe et réprouvent les réactions des différents pays européens, qu’ils jugent « insuffisantes ».

Karina fustige les termes « nous condamnons », notamment utilisés par la France et l’Allemagne au regard de l’attaque russe, qui « sonnent comme une insulte à l’oreille des Ukrainiens » qui attendent davantage et surtout « une aide concrète ». Selon Anton, dont sa famille habite Dnipro : « nos partenaires les plus honnêtes sont surtout les pays baltes [Lituanie, Lettonie et Estonie] qui ont des frontières communes avec la Russie ».

Anton. Droits réservés.

Il tient également à souligner la menace que représente la Biélorussie, alliée de Poutine, qui a permis l’envoi de missiles en Ukraine, depuis son sol. Ainsi, une escalade des conflits à l’échelle européenne, constituerait une potentielle menace pour la Lituanie, qui partage une frontière de plus de 500 kilomètres avec la « dernière dictature d’Europe », ainsi qu’une petite frontière avec l’enclave russe de Kaliningrad. A cet effet, la Lituanie a notamment proclamé l’état d’urgence afin de renforcer la protection à ses frontières.

Volodymyr déclare qu’il ne faut pas « sous-estimer le régime autocratique de Poutine, comme l’Europe l’a fait dans le passé avec le régime d’Hitler ». A la manière de l’Allemagne nazie qui a occupé la Pologne, avant d’étendre son emprise, Volodymyr craint que la domination russe ne s’étende « à la Moldavie, à la Géorgie, puis à la Lituanie » et que « l’Ukraine ne soit que le début de quelque chose de beaucoup plus grand ».

Volodymyr. Droits réservés.

L’impossibilité de se projeter

Étudier en Lituanie n’a toujours été qu’une situation temporaire, dans le cadre de partenariats entre les universités d’Ukraine et de Lituanie. En ce moment, il est physiquement impossible de retourner en Ukraine du fait de la fermeture des aéroports, mais qu’en sera-t-il plus tard ?

Manifestation à Vilnius, la capitale lituanienne. Photographie : Lili Pateman.

Volodymyr, Karina, Anton et de nombreux autres étudiants continueront de vivre dans un futur plus qu’incertain, où l’existence de leur pays comme nation souveraine peut être remise en cause. Cependant, Karina ne souhaite pas imaginer le pire dénouement et rappelle que son pays « fait un travail incroyable pour se protéger ». Tous espèrent désormais que l’Ukraine parviendra à faire triompher le drapeau national.

*Prénom modifié.