En Autriche, « les petits partis » entrent en campagne

A onze semaines des élections législatives autrichiennes, il existe une autre bataille qui sévit à l’ombre de celle que se livrent les conservateurs de l’ÖVP, l’extrême droite du FPÖ et les sociaux-démocrates du SPÖ. Échappant au traditionnel clivage gauche-droite, des petits partis essaient de séduire les électorats écologistes et libéraux.

Vienne, correspondance – L’Autriche se prépare à de nouvelles élections législatives prévues le 29 septembre prochain. C’est la conséquence du scandale de « l’Ibiza-Affäre » qui a mis fin à la coalition de l’ex-chancelier conservateur Sebastian Kurz. Les conservateurs sont les favoris de ce scrutin suivi par les sociaux démocrates et l’extrême droite. Mais la campagne ne devrait pas se limiter à un affrontement entre ces trois partis, car d’autres forces politiques aux intentions de vote plus modestes pourraient influencer les débats.

Les Verts : le retour au Parlement ?

La chute de la coalition gouvernementale et la convocation d’élections législatives anticipées représentent une chance inattendue pour les Verts autrichiens (Die Grünen) : déchiré par des conflits internes en 2017, date des précédentes élections législatives, le parti avait mené une campagne que beaucoup avait qualifié de désastreuse. Les Verts avaient alors récolté moins de 4 % des suffrages, une chute de près de neuf points par rapport aux précédentes élections. En conséquence le parti avait du quitter le Nationalrat, la chambre basse du Parlement. Un séisme dans la vie politique autrichienne : le parti était représenté au Nationalrat depuis 31 ans.

Avec les élections législatives anticipées, les Verts ont donc une chance d’obtenir à nouveau des députés. Le parti compte bien profiter d’une dynamique qui lui est pour l’instant favorable : aux élections européennes en mai dernier il a recueilli 14 % des voix. Une situation qui s’explique en partie par la crise politique qu’a connu l’Autriche et par le scandale de corruption de « l’Ibiza-Affäre » qui a entraîné la démission d’Heinz-Christian Strache, ex-vice-chancelier d’extrême droite, puis a fait chuté l’ensemble du gouvernement de coalition de l’ex-chancelier conservateur Sebastian Kurz : « Les Verts sont une force politique crédible quand il s’agit de lutter contre la corruption. Quand ils étaient au Parlement ils se sont toujours attaqués à ce problème de manière fiable. Je pense donc qu’un scandale comme celui ci va leur être bénéfique sur le plan électoral », analyse Matthias Kaltenegger, politologue à l’université de Vienne.

Les Verts pourront également compter sur la popularité croissante des thématiques écologiques. Si la campagne pour les élections législatives de 2017 avait tournée presque exclusivement autour de la question de l’asile et de l’immigration, il semble cette année que la protection de l’environnement joue un rôle plus important : « Aucun parti ne peut désormais se permettre d’ignorer ce thème », affirme ainsi Peter Filzmaier, politologue, dans les colonnes du quotidien Der Standard. Début juillet, le FPÖ, le parti d’extrême droite autrichien, a ainsi soutenu une proposition des sociaux-démocrates permettant à l’Autriche de devenir le premier pays européen à interdire totalement l’usage du glyphosate. Une position stratégique alors que l’ancien chef du FPÖ, Heinz-Christian Strache, avait plusieurs fois mis en doute l’influence de l’action humaine sur le climat.

Une situation à laquelle ont sans doute contribué les mobilisations régulières des jeunes Autrichiens au sein du mouvement Fridays for Future, d’autant que la majorité électorale est fixée en Autriche à 16 ans. « La question du climat est devenu un thème central d’un côté car on le ressent directement : il faisait déjà extrêmement chaud l’été dernier par exemple et c’est encore le cas cette année », estime Markus Koza, candidat sur la liste des Verts pour les législatives. « Une autre raison c’est la mobilisation importante des jeunes », juge-t-il. « Tout cela nous aide pour notre campagne car c’est nous qui avons toujours mis en garde contre ces développements, nous qui avons toujours dit : il faut faire quelque chose maintenant pour qu’on lègue aux générations futures un monde où ils puissent vivre correctement ».

Les Neos : un parti libéral à la gauche des conservateurs

Le parti libéral Neos se classe pour l’instant en cinquième position dans les sondages d’opinion. Dirigée par Beate Meinl-Reisinger, également tête de liste pour les législatives à venir, le parti est déjà présent au Parlement avec 10 députés. Pendant la période de coalition entre droite-extrême droite, les Neos ont cherché à incarner l’opposition au populisme et à la corruption tout en défendant des positions économiques libérales. Le parti a ainsi voté la réforme controversée de l’allongement de la durée maximale du travail à 12 heures par jour et 60 heures par semaine, proposée par le gouvernement ÖVP-FPÖ.

Une orientation économique libérale, un attachement à l’Union européenne et des prises de positions plus modérés que les conservateurs sur les questions migratoires : voilà en somme l’ADN des NEOS. Le parti cherche notamment à attirer les électeurs de l’ÖVP qui pourraient être déçus par le déplacement vers la droite qu’a connu le parti conservateur depuis la prise de pouvoir de Sebastian Kurz et son alliance avec l’extrême droite. Lors de son discours après son investiture en tant que tête de liste, Beate Meinl-Reisinger a ainsi critiqué le parti conservateur, responsable en partie à ses yeux de la crise politique qu’a connue l’Autriche. C’est bien l’ÖVP, selon elle qui a fait le choix de s’allier avec l’extrême-droite, dont la vidéo d’Ibiza a démontré le peu de scrupules à se compromettre avec la Russie pour accéder au pouvoir : « Celui qui se couche avec des loups ne doit pas s’étonner de se réveiller avec des puces », résume ainsi la cheffe du parti.

La liste Jetzt : incarner l’opposition aux conservateurs

Après quelques hésitations, le parti Liste Jetzt a finalement décidé ce samedi de se lancer dans la campagne pour les élections législatives. Fondé en 2017 par Peter Pilz, un ancien membre des Verts qui avait quitté le parti sur fonds de désaccords concernant le leadership, la liste Jetzt compte six députés au Parlement autrichien. Mais il semble pour l’instant peu probable que le parti conserve ses sièges : « Il n’est pas évident que nous pourrons entrer de nouveau au Parlement », reconnaît Peter Pilz.

Pour inverser la tendance, le parti se présente comme le plus apte à s’opposer au futur gouvernement qui sera, selon les sondages, dirigés par les conservateurs. « Les sociaux-démocrates sont par essence incapable de jouer un rôle d’opposition », assène Peter Pilz lors de la présentation des candidats de son parti. La liste Jetzt entend combattre « l’orbanisation » de l’Autriche et lutter pour plus de contrôle et d’indépendance au Parlement. Ses principaux adversaires : les conservateurs et l’extrême droite. Sur la liste des candidats du parti également, Martin Balluch, un activiste pour la protections des animaux, un autre thème que le parti essaiera de défendre pendant cette campagne.

Vianey Lorin

Journaliste

Correspondant à Vienne pour France 24, AFP TV et Mediapart.