Littérature : notre sélection de livres pour accompagner l’été

Cette année, pourquoi ne pas quitter les sentiers battus avec un petit itinéraire géographico-littéraire inspiré par les lauréat(e)s du Prix de littérature de l’Union européenne de cette année issus des pays d’Europe centrale et de l’est ?

Quand les listes des top 10 livres à emporter se mettent à rivaliser avec celles des top 10 des destinations de rêve, c’est un signe sûr que non seulement l’été est là, mais les vacances aussi. De la Roumanie à la Lituanie en passant par la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne, avec un petit détour par l’Ukraine, c’est à six escales que je vous convie, sous forme de présentation des lauréat.e.s de cette année et des publications en français des livres des lauréat.e.s des années précédentes.

Mais d’abord, quelques mots sur ce prix original : décerné annuellement depuis 2009 à un ou une lauréat.e d’une douzaine de pays européens (choisis par rotation parmi les membres de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine, la Tunisie, l’Arménie et le Kosovo), il récompense des auteurs plutôt en début de carrière et aide ainsi à promouvoir les auteurs contemporains non seulement dans leur pays d’origine mais aussi dans les autres pays membres du prix, grâce à un soutien aux traductions de leurs livres. Ainsi, Gaëlle Josse, lauréate française en 2015 pour Le dernier gardien d’Ellis Island (et qui vient de publier une biographie de la photographe américaine Vivian Maier Une femme en contre-jour), peut désormais être lue en traduction, des Pays-Bas à la Bulgarie. Et la dynamique fonctionne dans tous les sens avec – pour le moment – plus ou moins de bonheur, comme ces six escales vont vous le montrer.

Roumanie

Commençons donc avec la Roumanie. « Satire très sérieusement loufoque du pouvoir et de ses aléas », avec ses personnages aux noms aussi inattendus que Silure, Chatchien, Fourmis vertes et Fourmis violettes, Théodose le Petit de Răzvan Rădulescu, primé en 2010, est depuis 2016 disponible chez Zulma dans la traduction de Philippe Loubière.

En 2013, c’était au tour de La vie commence vendredi de Ioana Pârvulescu de recevoir le prix dans sa déclinaison roumaine : le roman, voyage dans le temps mêlant historique, fantastique et policier dans Bucarest de la fin XIXe siècle, peut désormais être lu en français aux Editions du Seuil (traduction de Marily Le Nir).

Ioana Pârvulescu, professeur de littérature à l’université de Bucarest, présidait d’ailleurs cette année le jury roumain du prix, qui a été décerné à Tatiana Ţîbuleac pour son roman Grădina de Sticlă (« Jardin de verre »). Roman au sujet « actuel et en même temps, toujours valable (la mère, la maternité) », animé par « une voix propre, très forte, dure et convaincante, sans perdre, pourtant, les accents poétiques », Grădina de Sticlă a été publié trop récemment pour être déjà traduit, mais le beau premier roman de Tatiana Ţîbuleac, L’été où maman a eu les yeux verts, peut déjà être découvert aux Editions des Syrtes (traduction de Philippe Loubière).

  • Retrouvez ici la présentation du roman de Tatiana Ţîbuleac et des quatre autres romans roumains présélectionnés, avec la présidente du jury roumain Ioana Pârvulescu.

Hongrie

Notre escale en Hongrie sera brève : de Kálmán Mikszáth à Krisztina Tóth, ce ne sont pas les auteur.e.s hongrois.e.s qui manquent en traduction française, mais curieusement aucun.e des lauréat.e.s hongrois.e.s n’en font encore partie. Espérons donc que la lauréate de cette année, Réka Mán-Várhegyi (pour son roman Mágneshegy, portrait de trois jeunes universitaires à Budapest au tournant du millénaire) aura plus de succès de ce point de vue que ses trois prédécesseurs, Noémi Szécsi (lauréate en 2009 pour son roman « Le Communiste Monte-Cristo »), Viktor Horváth (pour son « Miroir turc », « aventureux voyage dans la Hongrie du XVIe siècle, juste après la conquête de celle-ci par le sultan Soliman le Magnifique », lauréat en 2012), et Edina Szvoren (lauréate en 2015 pour son recueil de nouvelles Nincs, és ne is legyen).

  • Retrouvez ici la présentation du roman de Réka Mán-Várhegyi et des deux autres romans hongrois présélectionnés, avec le président du jury hongrois Endre Szkárosi.

Slovaquie

Les trois romans slovaques primés jusqu’à cette année ayant tous été traduits en français, il suffit de passer la frontière pour retrouver de quoi garnir sa valise : ainsi, Gaïa Editions a publié cette année C’est arrivé un premier septembre de Pavol Rankov (traduit par Michel Chasteau), chronique de trente années d’histoire d’Europe centrale de 1938 à 1968, telles qu’elles ont été vécues par trois amis issus des communautés hongroise, tchèque et juive. En publiant Café Hyène de Jana Beňová et Scènes de la vie de M. de Svetlana Žuchová (traductions par Diana Jamborova Lemay des deux romans primés en 2012 et 2015 respectivement), les éditions Le Ver à Soie ont, elles, joué la carte du contemporain, avec ces deux romans mettant en scène des personnages et des problématiques de la Slovaquie d’aujourd’hui.

Ce sont aussi des problématiques contemporaines, mais dépassant la Slovaquie, que l’on retrouve dans le roman lauréat slovaque du Prix de littérature de l’Union européenne cette année : dans Matky a kamionisti (« Mères et Camionneurs »), l’auteure et traductrice du français et de l’italien au slovaque Ivana Dobrakovová, établie à Turin, fait vivre et s’entremêler des voix de femmes, entre Turin et Bratislava.

  • Retrouvez ici la présentation du roman d’Ivana Dobrakovová et des deux autres romans hongrois présélectionnés, avec la présidente du jury slovaque Miroslava Vallová.
Pavol Rankov, auteur de C’est arrivé un premier septembre. Photo : Petr Prochazka

Ukraine

De la Slovaquie, faisons un petit crochet en Ukraine : participant pour la première fois au Prix de littérature de l’Union européenne, l’Ukraine n’avait pas encore de romans primés à proposer à la traduction. Ce sera donc à Haska Shyyan, lauréate cette année, d’ouvrir le bal avec son roman За спиною (« Derrière le dos »), qui fait s’entrechoquer les deux mondes d’une jeune ukrainienne au mode de vie aisé et cosmopolite, et de la guerre en Ukraine de l’Est dans laquelle s’est engagé son amant.

  • Retrouvez ici la présentation du roman de Haska Shyyan et des deux autres romans ukrainiens présélectionnés, avec Ostap Slyvynsky, membre du jury ukrainien.

Lituanie

La Lituanie, notre étape suivante, n’est pas non plus encore très propice aux traductions françaises, puisqu’aucun des ouvrages primés jusqu’ici n’a encore été traduit : ni le roman « Respirer dans le marbre » de Laura Sintija Černiauskaitė (lauréate en 2009 – celle-ci peut tout de même être découverte par le biais de sa pièce de théâtre Lucie patine, publiée aux Editions Théâtrales en 2008), ni le roman « Poissons et dragons » d’Undinė Radzevičiūtė (lauréate 2015), ni le recueil de nouvelles « Ce soir je vais dormir du côté du mur » de Giedra Radvilavičiūtė (lauréate en 2012). C’est aussi un recueil de nouvelles qui a été primé par le jury lituanien cette année, celui de Daina Opolskaitė, Dienų piramidės (« La pyramide des jours »), un recueil dont les nouvelles « interrogent de manière très délicate le thème des relations au sein des familles et entre amis proches, ainsi que les questions de trahison et de sentiments de culpabilité vécus sur le long terme », comme le décrit la présidente du jury lituanien Daiva Tamošaitytė.

  • Retrouvez ici la présentation du roman de Daina Opolskaitė et des deux autres romans lituaniens présélectionnés, avec la présidente du jury lituanien Daiva Tamošaitytė.

Pologne

Terminons donc avec la Pologne et une dernière fournée de livres à découvrir en français. Lauréate cette année avec son roman Frajda (que la présidente du jury polonais Anna Nasiłowska présente comme étant le roman d’une « rétrospection, imprégnée de sensualité mais dépourvue de nostalgie, autour de deux personnes qui se sont rencontrées puis que la vie a menées dans des directions différentes »), Marta Dzido est la quatrième lauréate polonaise du prix. Parmi ses prédécesseurs, deux sont à découvrir en français et illustrent à eux seuls la diversité des genres représentés parmi les livres primés depuis les débuts du prix. Pension de famille, de Piotr Paziński (lauréat en 2012, traduit par Jean-Yves Erhel et publié chez Gallimard), « élégie d’un monde englouti », est un « puissant témoignage de la troisième génération après la Shoah, et un livre bouleversant sur la transmission d’une mémoire », tandis que Le Magicien de Magdalena Parys (lauréat en 2015, traduit par Margot Carlier et Caroline Raszka-Dewez et publié par Agullo Editions) se situe à la croisée entre roman noir et roman historique, entre Berlin et les frontières bulgares, sur fond du guerre froide.

  • Retrouvez ici la présentation du roman de Marta Dzido et des deux autres romans polonais présélectionnés, avec le président du jury polonais Anna Nasiłowska.

Tout compte fait, vous auriez préféré partir en Lettonie, en Estonie, en République tchèque, en Macédoine ou au Monténégro ? Pas de panique, ces pays ont aussi eu leur lot de romans primés ces dernières années, et ceux d’entre eux qui sont traduits en français sont listés ici. Quant à la liste intégrale des romans et auteur.e.s primés, tous pays confondus de l’Irlande à la Géorgie, elle est à retrouver sur le site du Prix de littérature de l’Union européenne.

Bonnes lectures, bon été !

Bénédicte Williams

Bénédicte Williams a été responsable du débat d’idées à l’Institut français de Budapest de 2014 à 2019, et travaille actuellement sur les archives de l’historien et journaliste François Fejtő. Elle est également l’auteure du blog Passage à l’Est ! sur la littérature d’Europe centrale et de l’Est (http://passagealest.wordpress.com/).