À l’école, les échecs sont une réussite

Depuis 2013, les élèves hongrois apprennent la pratique des échecs à l’école. Un souhait de la championne nationale, Judit Polgár, considérée comme la meilleure joueuse de tous les temps. Mais le programme n’est pas partagé par tous.

Cet article a été publié sur la page Facebook du Budapest Kultur Lab, sur laquelle vous pouvez retrouver toutes les productions des étudiants du master 1 de l’Institut de journalisme de Bordeaux-Aquitaine (IJBA), en immersion à Budapest du 8 au 16 mai 2017.

Son parcours personnel lui a certainement donné l’idée. L’idée de se confronter dès le plus jeune âge aux échecs. Car Judit Polgár n’a pas perdu son temps. Âgé de neuf ans seulement, elle remporte son premier titre international. Ses parents lui ont donné l’opportunité de pratiquer les échecs dans son enfance. Une chance qui n’est pas offerte à tous. C’est l’une des raisons de son engagement pour intégrer les échecs à l’école. « Quand mes enfants étaient en grande section de maternelle, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose là-dessus. Dans le même temps, j’écrivais un livre avec ma sœur, ça m’a aidé ».

Le projet se construit, pour enfin voir le jour en 2013. Cela fait suite à une note diffusée par le Parlement européen un an plus tôt. L’institution demandait alors de soutenir la mise en oeuvre du « jeu d’échecs à l’école ». Le programme « Chess Palace » se met en place dans les écoles. Un succès immédiat dans un pays qui possède une tradition échiquéenne immuable. « On parle d’apprentissage des échecs par les professeurs eux-mêmes, pendant les heures de classe et non après », explique Judit Polgár. Une distinction qui prend tout son sens et met le jeu de pions au cœur du programme scolaire. « Les élèves sont plus heureux quand ils vont en cours, c’est le principal », ajoute la native de Budapest.

Échec et maths

Outre le côté studieux apporté par la discipline, des premiers tests ont permis de montrer une nette amélioration des résultats scolaires, selon Judit Polgár. « Il y a plus de plaisir pour les enfants quand on lie les échecs aux mathématiques par exemple », affirme celle qui a battu la légende du jeu, Garry Kasparov, en 2002. Ce qu’Anita Gara, joueuse d’échecs budapestoise qui participera au tournoi international de Zalakaros, dément formellement. « Aucune étude ne peut montrer des réelles bénéfices de cet apprentissage. Cela a démarré il y quatre ans, c’est trop tôt ». Si elle trouve que l’introduction de ce programme dans le milieu scolaire est « une bonne initiative », Anita Gara regrette que celui-ci soit différent des autres pays. Elle reconnaît tout de même les vertus apportées par ce dernier . « Dans le programme actuel, l’échec est un outil pédagogique pour développer des compétences clés et non pour devenir un joueur ».

Controverses autour du jeu

La réflexion, la maîtrise de soi ou encore la créativité sont le fruit d’une pratique constante des échecs. L’école peut donc-elle être le prochain berceau des futurs joueurs hongrois ? Judit Polgár croit que la pratique fréquente des échecs peut donner des envies. De là à devenir l’une des meilleures nations du monde de la discipline ? « Je ne suis pas sur que cela change grand chose. En Hongrie, nous avons beaucoup d’enfants qui font du tennis. Et ce n’est pas pour cela que nous avons des joueurs parmi les mieux classés au monde ».

Anita Gara rétorque elle aussi par la négative. « Les écoles ne sont pas le meilleur endroit pour apprendre les échecs, mais plutôt découvrir ce sport. Ils devraient enseigner les bases. C’est une bonne façon de susciter l’intérêt. Les enfants qui veulent prendre plus au sérieux les échecs peuvent rejoindre les clubs, les écoles régionales d’échecs et avoir un coaching privé en fonction de leur niveau d’intérêt ». La pratique entraîne tout de même un développement un esprit de compétition. Chaque enfant aura cette culture de la gagne, dans un affrontement stratégique et intellectuel. C’est la raison pour laquelle la ville de Budapest organise tous les mois un tournoi d’échecs. Où le vainqueur se fera roi.

Pierre Barbin

Journaliste en formation à l'IJBA