Photographie hongroise : 40 ans d’histoire exposés au Centre Robert Capa

Le Centre Robert Capa de Budapest expose en ce moment les photos d’évènements qui ont marqué la Hongrie depuis le début des années 80.

Photo : Daniel Psenny

« Quelqu’un a-t-il déjà pensé qu’il travaillait comme un digne successeur d’André Kertész, Robert Capa, Martin Munkácsi, Rudolf Balagh, János Reismann ? », se demandait le photographe et éditeur hongrois Gera Mihály (1931-2014) en s’adressant aux photojournalistes de la nouvelle génération. Cette question est reprise sur les murs du Capa center qui célèbre la photo de presse en Hongrie à travers une grande exposition où sont accrochées les meilleures photos de ces quarante dernières années.

Elles ont été sélectionnées par le département des photojournalistes du MUOSZ, (la fédération des photographes de presse hongrois) qui, depuis 1982, remet chaque année de nombreux prix récompensant les photojournalistes. L’exposition présente les images de 123 photographes, connus ou en passe de l’être, qui retracent l’évolution de la photographie de presse à travers plusieurs générations. En plus des photos, on peut aussi regarder dans des vitrines de l’exposition des livres, des accessoires et de nombreux appareils photos utilisés au fil des ans, montrant le passage de l’argentique au numérique.

Photo : Daniel Psenny

Dans les quatre immenses salles du Capa Center, le visiteur peut donc déambuler pour revoir avec une certaine émotion et une grande curiosité, les évènements qui ont marqué la Hongrie depuis le début des années 80. Une Histoire souvent heureuse, parfois banale mais surtout chaotique, marquée en 1989 par la chute du mur de Berlin. Un évènement historique qui a provoqué une rupture dans le monde occidental que les photographes de l’Europe centrale (et du monde entier) ont « couvert » pour leurs rédactions.

« On peut voir la réalité sans retouches ».

Car, en plus d’apporter la liberté à tous les pays sous emprise soviétique depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l’ouverture des frontières a libéré aussi la créativité des photographes de presse hongrois. On le voit à travers les nombreuses photos prises lors d’un simple fait divers, ou au cours d’évènements sportifs, de fêtes, de concerts ou pour montrer les bouleversements politiques vers la démocratie. L’une d’elles – assez symbolique – attire particulièrement l’œil : elle est signée Báhalmi János et montre Viktor Orbán, barbu, mince et charismatique, haranguant ses troupes à la tribune lors du premier congrès du Fidesz.

Photo : Daniel Psenny

« C’était émouvant de faire une sélection parmi les photos de ces 40 dernières années », explique dans la présentation de l’exposition le photographe et commissaire András Bánkuti, également président du MÚOSZ et rédacteur en chef de Digital Photo Magazine.  « Nous étions face à des milliers de photos qu’il a fallu sélectionner pour présenter les thèmes et les genres les plus importants, souligner l’indépendance de mes collègues et montrer leur engagement et leurs sacrifices. Pourtant, la sélection, comme toutes les sélections, est subjective, mais nous avons essayé d’être complet. Dans ces salles, on peut voir la réalité sans retouches », insiste-t-il.

Pourtant, selon lui, rien n’est plus comme avant concernant la photographie en Hongrie. « Tout a changé : la presse, le système politique, la technique et même le cadre juridique concernant, notamment, le droit à l’image. Le reportage photo classique est aujourd’hui restreint dans la patrie de Robert Capa ! », regrette-t-il. Il ajoute : « L’âge d’or de la presse a pris fin en 2008 avec la crise économique. Toutes les rédactions ont commencé à faire des économies, notamment sur les reportages photo, souvent de haute qualité, qui n’ont pas été publiés et que l’on peut voir seulement dans des expositions. Mais, ce qui n’a pas changé est l’engagement des photojournalistes qui suscitent l’émotion en racontant la réalité telle qu’ils l’ont vécue », conclut András Bánkuti. Sur un mur, on peut d’ailleurs lire cette citation de Henri Cartier Bresson : « C’est une illusion de penser que les photos sont prises avec des appareils. Elles sont faites avec l’œil, le cœur et la tête ».

*40 ans de photos de presse en Hongrie, jusqu’au 29 mai, Capa center  

1065 Budapest, Nagymező utca 8. Ouvert mardi-vendredi de 14h-19h, samedi et dimanche de 11h à 19h

A consulter, le site des meilleures photos de presse hongroises : http://sajto-foto.hu/

Daniel Psenny

Journaliste, ex-« Le Monde ».