Dans les villages les plus pauvres du pays, le Fidesz de Viktor Orbán a fait un tabac lors des élections européennes dimanche dernier, enregistrant des scores supérieurs à 90%. Quand la propagande s’ajoute à la misère et à la corruption…
Édito – Quelques jours avant le scrutin européen du dimanche 26 mai, l’opposition se montrait inquiète, incapable qu’elle était d’envoyer des observateurs dans tous les bureaux de vote du pays. Or, ce sont peut-être des multiples fraudes de petite ampleur qui ont permis au Fidesz l’année dernière de décrocher sa précieuse majorité des deux-tiers. Celle qui ne tient qu’à un fil, ou plus précisément à un député sur cent quatre-vingt-dix-neuf, et qui lui permet de gouverner sans s’embarrasser de compromis.
Le média G7 n’a pas eu besoin d’enquêter bien loin, ni même de se déplacer « sur le terrain », pour saisir le phénomène. Le site d’enquêtes s’est contenté de relever les résultats électoraux de dimanche dans les dix communes considérées comme les plus pauvres du pays (en PIB par habitant). Toutes sont situées dans le nord-est du pays et dans le sud, proche de la frontière avec la Croatie.
Le résultat est sidérant : le Fidesz y a recueilli en moyenne 94 % des suffrages, contre 53% au niveau national ! A Pálmajor, Csenyéte et Piskó, le parti au pouvoir a même enregistré le score remarquable de 100 %. Pas le moindre des administrés de ces communes de 370, 530 et 263 habitants respectivement, pour des participations de 34%, 22% et 62%, n’a voté pour un autre parti que le Fidesz ! Ces résultats inspirent cette conclusion à G7 : « Dans les localités hongroises les plus pauvres, la suprématie du Fidesz-KDNP est quasi-totale ».
Quand la propagande s’ajoute à la misère
Mais cette rapide étude statistique ne dit pas ce qui a conduit des villageois démunis à voter comme un seul homme pour un pouvoir pourtant essentiellement dévoué aux classes moyennes supérieures. Pour s’en faire une idée, un autre site d’actualités, 444.hu, est allé à la rencontre d’habitants d’une petite localité dans le nord-est.
Son reportage (ci-dessous, sous-titré en anglais), est saisissant : on y voit le dénuement total d’une population, essentiellement rom ; On y voit une retraitée qui clame que le Fidesz est son « porte-monnaie » et qu’elle a reçu vingt mille forint l’année dernière pour voter pour lui (60 euros) ; On y voit également beaucoup de personnes qui ne connaissent d’autre partis politique que celui au pouvoir ; Et d’autres encore qui ont peur de la venue de migrants chez eux.
L’achat des votes des communautés marginalisées dans les villages pauvres et reculés du pays n’est pas chose nouvelle en Hongrie, ni dans les pays voisins d’ailleurs. Signe que ces pratiques ne sont pas l’apanage du parti au pouvoir, Csenyéte, avant de plébisciter Viktor Orbán à 100 % dimanche, avait été la localité la plus à gauche du pays lors des élections législatives de 2014, quand 83 % de sa population avait voté pour le Parti socialiste (MSzP).
Il est aussi tout à fait clair que la pratique des achats de voix ne suffit pas à expliquer les succès électoraux du Fidesz, récurrents depuis une décennie. Mais quand, à la misère et à la corruption, s’ajoute la propagande, les marginalisés se mettent au service d’un pouvoir qui ne les épargne pas et les Roms, victimes de racisme et de ségrégation, rejettent des migrants imaginaires.