Le chef de fraction du Fidesz, János Lázár, a annoncé lundi soir que le Premier ministre hongrois Viktor Orbán avait nommé János Áder, un co-fondateur de son parti le Fidesz, comme candidat au poste de président de la république. Sa mission sera de « consolider la nouvelle Constitution ». Cette nomination sera soumise au vote du parlement le 2 mai.
Malgré les petites divergences qui peuvent parfois nous séparer (surtout en ce moment), un point au moins nous rapproche, Français et Hongrois : nous allons bientôt avoir un président. Sauf que, choisi là-bas par le peuple, il est ici élu par l’Assemblée (majorité des 2/3), autant dire désigné par notre président du Conseil (1). Ceci dit, l’enjeu diffère considérablement: là-bas chef de l’éxécutif aux pouvoirs considérables, ici investi d’un rôle presque purement représentatif. « Presque », car… il lui revient malgré tout de signer les lois qu’il a le pouvoir de renvoyer devant le parlement (ou devant la Cour constitutionnelle) s’il y trouve à redire. Un pouvoir dont ne s’était pas privé d’user László Sólyom, prédécesseur de Pál Schmitt.
Ce dernier, par contre, ayant signé avec un zèle admirable les quelque 250 lois passées en deux ans sur son bureau. Il est vrai qu’à l’opposé de son prédécesseur, juriste renommé, Pál Schmitt a surtout excellé dans le maniement du fleuret (ancien champion olympique), avant de se distinguer dans celui du stylo bille…
Après un angoissant et palpitant suspense (!), le nom de l’heureux élu vient d’être enfin divulgué: János Áder, membre du Fidesz, voire l’un de ses co-fondateurs, resté fidèle à Orbán…. C’était un secret de polichinelle… Député européen, mais apparemment sans grande consistance (du moins au vu de ses dernières interventions), bref une marionnette.
Et pourtant, quelle occasion c’eût été pour Viktor Orbán de redresser une image quelque peu contusionnée à l’étranger ! En faisant élire une personnalité de tendance conservatrice, certes, mais reconnue par l’ensemble de la population, voire de la communauté internationale.
Si le nom de László Sólyom ne pouvait être retenu, car ayant vigoureusement critiqué la nouvelle constitution, on avait évoqué ceux de Szilveszter Vizi, président de l’Académie des Sciences de Hongrie ou de son prédécesseur József Pálinkás. Voire, au cas où ceux-ci auraient été jugés insuffisamment engagés, celui de János Martonyi, membre du gouvernement. Un homme certes lié de longue date à Viktor Orbán, mais une personnalité largement reconnue à l’étranger (2), surtout dans les milieux bruxellois (où il fut autrefois en poste) et brillant juriste.
Et bien non! C’est raté pour cette fois-ci encore.
Il me semble que, par ce geste, Viktor Orbán, excellent stratège, a surtout misé sur l’avenir. Car, «élu» (désigné) pour 5 ans, le nouveau président restera encore 3 ans en place après les élections du printemps 2014. Bref, vous me suivez…. Après avoir coulé des tonnes de béton pour contrôler les institutions, voire bloquer les activités du futur parlement au cas où il passerait dans l’opposition, voilà un dernier frein (et non de moindres) lancé dans les pattes de la future majorité. Bref, du beau travail.
Et dire que j’en vois qui se pâment littéralement en France devant ce bel exemple de démocratie que nous montre Viktor Orbán. Sic, je ne plaisante pas. Tel ce professeur de droit admiratif devant la nouvelle constitution qui confère au parlement des pouvoirs que «notre Assemblée nationale pourrait lui envier» (3). Oui, Monsieur le professeur, sauf que… losrque ledit parlement est entièrement contrôlé par un parti lui-même entièrement contrôlé par un seul homme, je demeure perplexe.
Justement, la question avait été posée, à l’occasion de ce changement de président, de soumettre son élection, non aux deux tiers, mais aux quatre cinquièmes du Parlement, voire au suffrage universel. Questions de pure forme avancées dans les rangs de l’opposition, bien évidemment sans espoir de réponse. (De même qu’avait été rejetée d’idée saugrenue, pour ne pas dire insolente, de soumettre la nouvelle constitution à la voix du peuple. A quoi bon, braves gens, puisque vous m’avez déjà élu… …une fois pour toutes.)
Comment dit-on en français «önkényuralom» ? «Autocratie», je crois….
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(1): Président du Conseil et non Premier ministre comme nous avons pris la fâcheuse habitude de le qualifier. Car c’est là toute la différence avec le régime de notre Vème République qui voit le Président de la République, représentant du peuple, et non le Premier ministre, représentant d’une majorité parlementaire, présider le Conseil.
(2): ministre des Affaires étrangères du premier gouvernement Orbán, János Martonyi s’était vu remettre les insignes de Commandeur de la Légion d’Honneur par Hubert Védrine (avec qui il entretient au demeurant d’excellentes relations).
(3): Frédéric Rouvillois „Les sorciers de Budapest”, Causeur du 11 janvier
www.causeur.fr/les-sorciers-de-budapest,14601
et la réponse de Pierre Walline : „Le pouvoir confisqué”, Causeur du 12 janvier
J’ai bien envie de compléter le titre de votre article :
Les jeux sont fait…Rien ne va plus !
Ce sera János Áder. Et si d’ici deux ans on lui trouvait à lui aussi des casseroles ?
Nommer pour cinq ans une autre pointure du parti juste avant les prochaines élections, s’avèrerait encore bien plus stratégique.
Supposition idiote…
Faut-il parler d’ « autokrácia » .Si ce mot est synonyme d’arbitraire, il faudra bien appeler un chat un chat.
Zs.
@Zsak.
Le « rien ne va plus », j’y avais pensé… Mais rien ne va plus depuis un bon bout de temps, déja..
« Arbitraire », je suis d’accord.
On peut aussi parler de « pouvoir exclusif » (Imre Vörös, prof de Droit, ancien membre de la Cour constitutionnelle avant-hier sur Klubrádió), mais surtout de « pouvoir confisqué ». Car, acquis, certes par la voix démocratique, il est maintenant (le pouvoir) littéralement mis sous clés, de sorte que meme si la majorité change en 2014 (malgré les obstacles posés par la nouvelle loi électorale qui favorise clairement le Fidesz), les activités du Parlement et de la vie publique seront bloquées et controlées a tous les niveaux (y compris le judiciaire!) par le Fidesz (Orbán) depuis les bancs de l’opposition (cf. veto sur le budget, élargissement de la Cour constitutionnelle et prolongement du mandat de ses membres (ou le Fidesz controlera la majorité), nomination d’une proche a la présidence du tout puissant Office national de la Justice (OBH). Ce que les Hongrois appellent le « bétonnage ».
Quels sont les pouvoirs de cet inaugurateur d’expositions de chrysanthème?
Chrysanthemes ? Pas tres hongrois…. Plutot des paprikas…, au moins c’est moins fade.
Il peut refuser de signer des lois et faire revoir sa copie au Parlement avant de les avaliser. Ralentir, voire freiner l’activité du Parlement. Ce dont ne s’était pas privé László Sólyom, et ce que n’a jamais fait Schmitt, pas une seule fois sur 250 lois. On se demande meme (mauvais esprits) s’il les lisait vraiment…
Une blague bien connue ici: un papier gras rentre par la fenetre de son bureau. Au moment ou sa secréatire va le jeter au painier, Schmitt de la tancer: « Mais attendez, je ne l’ai pas signé! ». Bon, ca ne vole pas haut, mais en dit long sur la réputation qu’il avait…
Sólyom, lui, était infiniment plus regardant (juriste et ancien président de la Cour constitutionnelle). La faute que je ne lui pardonnerai jamais: avoir toléré la prestation de serment de la Garde nationale sans avoir bronché…
Bon, pour en revenir a nos petits moutons: le président n’a pas de pouvoirs réels au niveau de l’exécutif, mais il peut freiner l’activité de la majorité.
Le probleme: avec le systeme actuel, pour peu qu’un parti dispose de la majorité des deux tiers, cela revient a dire qu’il est désigné par le Premier ministre….ce qui est tout de meme assez curieux…
Une élection au suffrage unversel me semblerait plus adéquate.
PS: « serment de la Garde nationale .. SOUS SES FENETRES », petite précision. Une honte qu’il n’ait pas réagi a l’époque. Mais depuis, il s’est un peu racheté….encore que cette faute (lacheté?) ne soit pas pardonnable.
Si ce président n’avait aucun pouvoir, nul n’était besoin d’aller le chercher au sein du parti, j’allais dire du système.
Une figure emblématique plutôt qu’un député européen aurait pu porter haut les couleurs du pays lors des représentations nationales et internationales (tout le monde sait que Áder János a de gros soucis avec la langue de Shakespeare).
Autre petite blague qui circule sur l’ex-président et sa thèse de doctorat. Pour se défendre de son plagiat, il aurait rétorqué « c’était sur mon bureau, je l’ai donc signé ».