Muni d’une attestation et de sa carte de presse, Daniel Psenny a déambulé dans les lieux emblématiques de la capitale hongroise figés par le couvre-feu sanitaire.
En ce vendredi 27 novembre, la brume s’accroche au Danube et le brouillard enveloppe doucement Budapest. Il est 20 heures. L’heure du début du couvre-feu qui doit être levé à 5 heures le lendemain. A la lueur des réverbères, les dernières ombres se faufilent sans se presser. Quelques voitures circulent encore. Seuls, les vélos et les scooters de livraisons de nourriture, tels des escargots avec leur cargaison sur le dos, foncent pour déposer leurs commandes.
Pas de policiers à l’horizon, ni de barrages. Quelques gyrophares bleus strient bien la nuit, mais ce sont des ambulances qui circulent à toute vitesse, sans sirènes. Dans les bus et les tramways, seules quelques personnes sont assises et regardent distraitement par la fenêtre. Où vont-elles ? Certains bus sont même vides. Devant les hôtels, les rares employé(e)s qui assurent le maintien et la sécurité grillent une cigarette dans le froid.
Dans la gare de Keleti, une dizaine de passagers attendent un train. Le panneau d’affichage n’est guère rempli.
Sur Teréz körút, à deux pas d’Oktogon, les dépôts de meubles, habits et autres paquets attirent les SDF qui trient ce qu’ils peuvent emporter. Pas de concurrence en cette froide nuit d’automne, ils sont les rois de la chine. Dans la gare de Keleti, une dizaine de passagers attendent un train. Le panneau d’affichage n’est guère rempli. Quelques-uns se pressent avec leurs valises pour aller s’asseoir dans le train de nuit de 20h40 qui les emportera à Zurich puis Munich. Personne ne se parle. Ils arriveront tard dans la nuit à leurs destinations.
Tout le monde porte un masque plus ou moins bien ajusté. Devant l’entrée de Nyugati en plein travaux de rénovation, les rares policiers, assistés d’un militaire, n’y prêtent guère attention. Ni contrôles, ni réprimandes. Pas de tensions non plus. Le silence est même pesant dans cette atmosphère feutrée sans le bruit des trains, ni des annonces dans les haut-parleurs. Quelques taxis attendent devant la gare sans espoir de faire de grandes courses. A l’intérieur des voitures luit une étrange lumière bleue. Ce sont les portables que tous les chauffeurs consultent pour lire, écouter de la musique ou regarder des clips.
Privées de touristes, de restaurants, de bars ou de salles de spectacles, les rues piétonnes les plus fréquentées du centre-ville sont totalement désertes. Pas âme qui vive à Deak tér et dans Váci utca seulement vivante par les illuminations de Noël. Même chose sur la place des Héros où l’on aperçoit toutefois une ombre se faufiler à toute vitesse. Sur Andrássy út, les quelques voitures roulent au ralenti et les trottoirs sont vides à l’exception de quelques personnes qui promènent leurs chiens. A Széll Kalman tér, le silence est parfois troublé par le crissement des roues du tramway. Au fil de la nuit, le brouillard s’est lentement levé et au pied du bastion des pêcheurs, la vue sur le Parlement est éblouissante.
Comme toutes les autres nuits, Budapest vit au ralenti depuis le 11 novembre, début de l’instauration du couvre-feu. Plus l’heure tourne, moins nous faisons de rencontres. Le couvre-feu est respecté.
Si cette nuit-là, nous n’avons subi aucun contrôle, le centre de police indique toutefois sur son site que, depuis le 11 novembre, 7 826 personnes ont été poursuivies pour non-port du masque et 5 954 pour avoir enfreint le couvre feu.