Derrière les discours de façade, d’ouverture en France et de rejet en Hongrie, les positions en matière d’immigration ne sont pas si éloignées qu’il n’y paraît entre Paris et Budapest et plus généralement entre l’Europe centrale et l’Europe de l’Ouest.
« L’idée est de créer en Libye des hotspots afin d’éviter aux gens de prendre des risques fous, alors qu’ils ne sont pas tous éligibles à l’asile », déclarait le président français Emmanuel Macron le 27 juillet, en amont d’un discours tenu à Orléans (voir la vidéo) dans lequel il précisait ensuite :
« Je souhaite que l’Union européenne, et à tout le moins, la France le fera-t-elle, puisse aller traiter les demandeurs d’asile au plus près du terrain, dans l’État tiers le plus sûr, proche justement des États d’origine ».
Cette position tempérée depuis par son ministre de l’Intérieur Gérard Collomb dans le JDD « compte tenu de la situation » en Libye, on ne connait pas à ce jour la position précise de la France sur cette question.
« Cela ressemble étrangement à la proposition émise par le gouvernement hongrois il y a deux ans » – György Bakondi, le « Monsieur immigration » du gouvernement hongrois.
L’annonce d’Emmanuel Macron de créer de hotspots en Libye n’est pas passée inaperçue en Hongrie. L’agence de presse hongroise MTI, dont la ligne éditoriale hostile aux migrants est directement dictée par le gouvernement, s’est empressée de publier une dépêche pour rapporter ce revirement français. « Cela ressemble étrangement à la proposition émise par le gouvernement hongrois il y a deux ans », a commenté quelques jours plus tard le principal conseiller du Premier ministre Viktor Orbán sur les questions de sécurité, György Bakondi.
L’année dernière, Budapest avait en effet tenté – mais sans succès – de promouvoir au niveau européen un plan dit « Schengen 2.0 » prévoyant le renforcement des frontières externes de l’Union européenne et la création de ces hotspots : « Les procédures d’asile devraient être achevées hors de l’UE dans des zones fermées et protégées avant la première entrée sur le territoire de l’UE ». Cette idée de hotspots est controversée et décriée par des associations et par le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU qui les considèrent comme des centres de détention permettant de trier les migrants et de refouler les indésirables migrants économiques.
La construction de la clôture à la frontière entre la Hongrie et la Serbie à l’été/automne 2015 avait jeté l’opprobre sur Budapest. Le ministre français des Affaires étrangères d’alors, Laurent Fabius, avait vilipendé le dirigeant hongrois (« On ne respecte pas les valeurs de l’Europe en posant des grillages qu’on ne ferait pas pour des animaux ») et affirmé que la clôture devrait être démantelée. Cette prise de position avantageuse n’avait en réalité été suivie d’aucun effet. Preuve s’il en est que la France et l’Union européenne s’accommodent aujourd’hui très bien de ce « mur de la honte » et que, de Budapest à Paris, les positions sont plus proches que ne peuvent le laisser penser les différences de rhétorique.