D’un témoignage à un autre, la célèbre écrivaine Hanna Krall raconte avec beaucoup de délicatesse une page douloureuse de l’histoire de Pologne.
Une petite fille juive aux yeux noirs et sa mère, les cheveux décolorés. Un couple de Polonais catholiques, qui, pour lui sauver la vie, acceptent de la faire baptiser. Puis se rétractent, car, pour obtenir le certificat de baptême, il faudrait mentir à l’église, se parjurer devant Dieu.
La fillette a survécu à la Seconde Guerre mondiale, a raconté son histoire à Hanna Krall, qui l’a rapportée à son ami Krzysztof Kieslowski. Le réalisateur a tiré de ce dilemme moral le huitième épisode de son célèbre Décalogue (Faux témoignage) ; la journaliste et écrivaine, Les vies de Maria. Un livre court et intense, où se mêlent les souvenirs des témoins directs, puis ceux des proches de ces témoins et ainsi de suite. De fil en aiguille, c’est finalement l’histoire des relations entre les juifs et les catholiques, pendant la guerre et la période communiste, qu’a écrit Hanna Krall. Fidèle à son style, sans un mot de trop.
Un livre court et intense, où se mêlent les souvenirs des témoins directs, puis ceux des proches de ces témoins et ainsi de suite.
Grande figure du reportage littéraire polonais, elle a l’art de montrer à la fois la scène et les coulisses. Aux récits de ces vies sauvées ou brisées, celles de victimes, de bourreaux, d’ouvriers anonymes, de poètes célèbres, de traîtres et de justes parmi les nations se mêlent ses propres souvenirs et conversations. Notamment avec Marek Edelman, seul dirigeant de l’Insurrection du ghetto de Varsovie à avoir survécu, et auquel elle a consacré un livre magnifique, « Prendre le Bon Dieu de vitesse », qui a choqué la Pologne dans les années 70.
Infatigable, Hanna Krall n’oublie aucune piste, ni même aucun objet – Maria est un célèbre service en porcelaine de Rosenthal, échangé contre du pain et du lard, revendu pour payer une pierre tombale. La première édition des Vies de Maria, publiée il y a une dizaine d’années en Pologne, comportait trois parties. Puis d’autres témoins se sont manifestés, et Hanna Krall a poursuivi ses recherches, son enquête, y ajoutant deux parties. En préambule de la traduction française, réalisée par Margot Carlier, elle écrit : « Au fond, j’aimerais que le livre ne se termine jamais… »