Par Mihály Rózsa
Fils d’horloger, horloger du roi, inventeur du mécanisme de l’échappement à hampe et du perfectionnement destiné aux pédales de harpes, professeur de harpe des filles de Louis XV, lieutenant général des chasses, agent secret à Londres puis en Allemagne, marchand d’armes en faveur des Américains insurgés contre la tutelle anglaise, spéculateur boursier, militant pour la reconnaissance des droits d’auteur, fondateur de la Société des auteurs, éditeur des œuvres complètes de Voltaire, emprisonné sous la Terreur, exilé a Hambourg, marié trois fois, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732 – 1799) crée également des pièces de théâtre et donne en 1775 Le Barbier de Séville en 1ère représentation : sifflé, il le remaniera par conséquent ultérieurement. Il monte Le Mariage de Figaro en 1784 qui à cause de sa portée satirique s’attire la foudre des censeurs et vaut un séjour en prison à son auteur. Comme Le Barbier de Séville, cette pièce reçoit un accueil chaleureux du public.
- Le Mariage de Figaro
- Direction et mise en scène : Iván Fischer
- Müpa, les 13, le 15, le 17 février à 19h
L’auteur résume sa pièce ainsi: : „La plus badine des intrigues. Un grand seigneur espagnol (un héros picaresque ou picaro), amoureux d’une jeune fille qu’il veut séduire, et les efforts que cette fiancée, celui qu’elle doit épouser et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune, sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. Voilà rien de plus. La pièce est sous vos yeux.” L’originalité et l’intérêt de la pièce sont ailleurs, dans la critique des abus de l’époque. L’intrigue masque les messages sociaux dans un mouvement de débauche, de gaieté et d’énergie. Figaro veut épouser Suzanne. Marceline, la vieille gouvernante de Bartholo, veut épouser Figaro qu’elle tient par la reconnaissance de dette qu’il a jadis signée. Elle n’a pas encore reconnu en lui le fils qu’elle a jadis perdu. Le comte Almaviva (l’ancien partenaire de Figaro est devenu son adversaire) prétend ravir Suzanne à Figaro. La comtesse Rosine espère bien reconquérir son époux volage. Le jeune Chérubin, amoureux de sa marraine, fait figure de rival ingénu du comte, dont il suscite la colère…
Il s’agit véritablement d’une comédie d’intrigue, mais aussi d’une comédie satirique puisque la justice est ridiculisée. La condition des femmes est évoquée : „traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes” s’exclame Marceline. Les injustes privilèges de la société féodale sont dénoncés „vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus” remarque à juste titre Figaro dans sa tirade à l’acte V scène 3. Beaumarchais remet donc en cause le principe de la naissance. Ainsi la rivalité entre le comte et Figaro semble un conflit historique ou politique entre un Ancien Régime moribond, s’accrochant à ses privilèges iniques, et un monde nouveau plein de jeunesse, de promesses et d’incertitudes. Le Mariage de Figaro n’est certes pas une pièce révolutionnaire, (il s’en défend d’ailleurs dans sa préface, même si cela semble aussi une manière de se protéger des censeurs) mais il justifie sans doute le mot de Beaumarchais : „qui dit auteur dit oseur.”. Cette pièce a été censurée pendant 4 ans et interdite durant l’occupation allemande. Elle dénonce les abus de l’époque, les privilèges et l’ancien régime. Sa critique exposée de manière théâtrale est osée puisqu’elle est présentée directement à un public dont la réaction est immédiate.
Iván Fischer ne se contente pas d’être un des chefs d’orchestre les plus célébrés mondialement mais deux ans après avoir monté Don Giovanni, il continue son travail en tant que metteur en scène. Le chef de Budapest Festival Orchestra souhaite créer un équilibre entre la musique et le théâtre qu’il appelle organique. Selon lui il faut accorder les ambiances musicales et théâtrales et dans ce contexte il est intéressant si le chef et le metteur en scène soit la même personne. Fischer donne un grand rôle aux vêtements dans son Figaro. Les vêtements permettent des changements dans tous les sens: d’homme en femme, de comtesse en bonne, d’épouse fidèle en amante. Ces changements servent d’idée maîtresse du spectacle monté sur la scène du Palais des Arts de Budapest.
J’attends cela avec impatience: voir mon opéra préféré avec mon chef préféré dans ma salle préférée !
Je confirme:
Merveilleuse soirée au palais des Arts de Budapest: Les Noces de Figaro dirigées et mises en scene (je dirais plutot « animées ») par un Iván Fischer bien en forme (qui dansait presque sur scene..): un pur bonheur!