Le très attendu film de Petr Václav Il Boemo fait son entrée dans les salles de cinéma françaises. Il retrace la vie du plus célèbre compositeur tchèque du XVIIIe siècle, Josef Mysliveček.
Distribué par Nour Films, Il Boemo est déjà acclamé par la critique en France. Ce film épique historique brosse le portrait du plus célèbre compositeur tchèque du XVIIIe siècle, Josef Mysliveček, qui a fait sa carrière en Italie, qui a été admiré par Mozart, mais dont la fin de vie dramatique l’a jeté dans l’oubli. Le rôle principal est tenu par le célèbre chanteur- compositeur tchèque Vojtěch Dyk et le personnage de la cantatrice Catarina Gabrielli a été interprété par la cantatrice slovaque Simona Šaturová.
Cette coproduction entre la République tchèque, l’Italie et la Slovaquie a fait sa première internationale à la Compétition officielle au festival de San Sebastian 2022. Il a obtenu le Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma au Festival d’Arras. Il a été nominé aux Oscars pour la République tchèque et il s’est vu décerner six Lions tchèques (Meilleur Film, Meilleur réalisateur, Meilleurs Costumes, Meilleurs Décors, Meilleur Maquillage et Meilleur Son).
Un réalisateur installé en France
Le scénariste et réalisateur du film, Petr Václav, née dans une famille d’un père compositeur et d’une mère réalisatrice de documentaire, est diplômé de l’école de cinéma de Prague – la FAMU. Fasciné par le cinéma français, il a effectué également un séjour à la FEMIS et il est installé à Paris depuis environ trente ans. Il débute en 1996 avec son premier long métrage, Marian, pour lequel il s’est entouré de la légende du cinéma tchèque Ester Krumbachová, ainsi que du cameraman Štěpán Kučera, le fils de la réalisatrice Vera Chytilová. Son deuxième long métrage, Les Mondes parallèles (2001) – écrit en collaboration avec l’écrivaine Marie Desplechin – a été finaliste du prix du scénario NHK Award à Sundance. Le film a été sélectionné en compétition au festival de San Sébastian et a obtenu le Prix du meilleur film tchèque de l’année.
Petr Václav entame alors le projet grandiose d’Il Boemo, les recherches et les préparations d’environ 10 ans, qui ont donné lieu également au documentaire Confession d’un disparu (2015). Tourné entre autres à Venise et à Naples, c’est l’un des plus gros budgets de l’histoire du cinéma tchèque (5 millions d’euros). Le réalisateur affirme que l’attente de financement pour ce film était éprouvante : personne ne voulait vraiment faire l’expérience de la production d’un projet aussi difficile. Surtout en Italie, où Petr Václav était un inconnu, tout comme Josef Mysliveček.
Trop slave pour l’époque
Mysliveček possédait un nom de famille trop manifestement slave. Tout comme d’autres sciences humaines, la musicologie germanique considérait les talents et les réalisations des Slaves comme des produits de traditions culturelles inférieures. Les historiens italiens non plus n’ont jamais vraiment retenu le nom de cet homme, qui a pourtant passé quinze ans en Italie. De plus, Mysliveček est mort de la syphilis. Cela devait le stigmatiser et le priver d’admirateurs qui auraient défendu son souvenir et son œuvre.
La stratégie adoptée avec Jan Macola producteur du film (Mimesis film), était donc de faire d’abord quelques autres long-métrages et le premier documentaire sur la vie de Mysliveček, pour convaincre les coproducteurs et les investisseurs de leur faire confiance : Zaneta (2014) sélectionné dans la programmation ACID à Cannes et distribué ensuite en France, Nous ne sommes jamais seuls (2016) et Skokan (2017).
Une œuvre cinématographique et musicale
En effet la musique de Mysliveček est peu connue à travers le monde. Certaines de ses œuvres n’ont été enregistrées que lors du tournage même du film. La musique du film a été enregistrée par le célèbre ensemble baroque de Prague Collegium 1704, sous la direction de son fondateur et directeur artistique Václav Luks, fidèle collaborateur du réalisateur, très impliqué dans la redécouverte de l’œuvre de Mysliveček, aussi grâce aux archives dispersées dans le monde entier.
Plusieurs chanteurs d’opéra de renommée internationale se sont joints à cette occasion pour paraître dans le film, et ces parts ont été directement enregistrées. Le talentueux Vojtěch Dyk, qui joue le rôle de Josef Mysliveček, réalise une grande performance dans ce film : à noter qu’il a appris son rôle entièrement en italien.
Selon ses propres mots, avec ce film Václav voulait explorer le destin d’un homme qui décide de quitter ses petites certitudes, d’un homme qui pourrait être un bourgeois respectable de Prague, qui aurait pu avoir une vie de famille et transmettre son héritage et ses richesses, comme le veut la tradition. Mais qui décida de partir pour poursuivre son rêve de devenir un artiste, un compositeur d’opéra, qui à l’époque, était un divertissement par excellence, une fusion de la création dramatique avec la musique et les images, comme peut l’être le cinéma d’aujourd’hui. D’ailleurs, certaines scènes du film montrent ce qui se passait dans ces théâtres pendant les productions. On y voit des gens manger puis jeter des restes depuis le balcon sur d’autres spectateurs en bas. C’est l’expression de l’ordre social de l’époque.
A l’occasion de la sortie du film en République tchèque, deux livres de l’auteur américain Daniel Freeman sur Mysliveček ont été publiés : d’abord un livre de vulgarisation, puis un ouvrage plus volumineux de musicologie pour un public plus exigeant et une exposition bilingue tchèque-anglais sur Mysliveček et sur son époque a été ouverte à Prague.