Mon premier contact avec la Hongrie remonte au mois de mai 1980. J’étais cheminot SNCF et membre d’une association d’amis du chemin de fer qui organisait chaque année un voyage. Par le train, bien sûr ! Cette année là, le voyage devait nous mener à Munich, Vienne et Budapest : deux jours dans chaque ville. Je connaissais Munich, j’ai découvert Vienne à cette occasion, mais j’étais surtout curieux de découvrir la Hongrie, un pays un peu mystérieux parce que situé « derrière le rideau de fer ».
Le train s’arrêtait une heure à Hegyeshalom pour les formalités de douane et de police. A l’extérieur, de chaque côté, se tenait une haie de policiers pour empêcher toute montée frauduleuse. A l’intérieur, avait lieu un minutieux contrôle des passeports tandis qu’un autre policier, en bleu de travail, démontait les faux plafonds pour vérifier si personne n’était caché à l’intérieur. Ces formalités accomplies et les policiers ayant jugé que tout était en règle, le train reprit sa route à petite vitesse ce qui nous permit de profiter du beau paysage de la campagne hongroise.
Nous sommes arrivés à Keleti un peu après 20h00, aussitôt pris en charge par notre guide et invités à prendre place dans un vieil autocar un peu « tape-cul » qui nous a conduit à notre hôtel. Le lendemain nous découvrions Budapest par un circuit à bord du même autocar, puis nous enchaînions sur des visites à caractère technique : les ateliers du métro, le musée des transports, le dépôt des locomotives de la gare de Keleti. Nous avons à cette occasion rencontré des cheminots hongrois, mais comme aucun de nous ne parlait un mot de la langue locale, les échanges se firent par l’intermédiaire d’un interprète, un vieux monsieur qui s’était présenté comme « le Professeur quelque chose », si bien qu’aucune information confidentielle ne risquait de filtrer.
Le programme comportait bien sûr quelques incontournables comme l’église Mátyás, le bastion des pécheurs et un dîner au son d’un orchestre tsigane dans un restaurant au bord du Danube, près de Vigadó tér. Et surtout le Gyermekvasút (« train des enfants ») qui s’appelait à l’époque « le chemin de fer des pionniers » (Úttörővasút) et qui se voulait une vitrine de ce que le régime pouvait faire pour l’éducation des jeunes.
Notre guide était une jeune femme ravissante parlant un français impeccable et nous lui posions beaucoup de questions. Mais il ne fallait pas aborder les sujets qui fâchent ! L’un de nous qui s’était hasardé à lui parler de 1956 s’entendit répondre d’un ton agacé : « Mais enfin pourquoi les étrangers choisissent-ils toujours cette date ? »
Deux jours plus tard, nous reprenions le chemin du retour, mais j’étais resté sur ma faim de découvrir un peu plus cette belle ville de Budapest qui m’avait enchanté. J’y suis revenu six fois passer une semaine, avant et après la transition de 1989. Et il faut croire que le virus de la Hongrie m’a mordu très fort, car arrivé à l’âge de la retraite, j’ai décidé de quitter la France et de venir m’installer en Hongrie. J’y suis aujourd’hui très heureux et je ne regrette pas mon choix. Et il m’arrive de dire à mes amis hongrois, qui prennent la boutade pour un compliment, que leur beau pays est dangereux : on y vient pour deux jours et on y reste pour toujours !