Attila Ambrus, gentleman cambrioleur : une biographie

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Quand on lui pose la question, Julian Rubinstein répond qu’en découvrant la vie d’Attila Ambrus, braqueur non-violent et flambeur plein de délicatesse, il lui était impossible d’imaginer qu’aucun autre auteur ne soit encore emparé de cette histoire-là. Car la vie d’Attila Ambrus, qui vit toujours en Hongrie, est en elle-même un vrai roman. Sous la plume de l’américain Julian Rubinstein, qui a su tirer le meilleur de ses nombreux entretiens avec Ambrus, elle devient un récit fascinant. Et maintenant disponible en français.

Un truand ou un homme de bien, c’est ce qu’il est difficile de définir quand on parle d’Attila Ambrus, l’un des criminels les plus célèbres de Hongrie. Son parcours sinueux, les malheurs qui l’ont poursuivi incitent d’abord à avoir de l’empathie pour cet homme, qui quitte illégalement Csíkszentlélek, son village natal en Transylvanie, à l’âge de 20 ans, pour demander l’asile politique en Hongrie. L’opinion publique hongroise s’est rapidement attachée à ce personnage qui fait des pieds et des mains pour stabiliser ses revenus en cumulant d’improbables emplois dans l’ambiance chaotique de la Hongrie des années 90. Car tout bascule lorsqu’il commet son premier braquage en 1993. Il en commettra 26 autres dans les six années qui suivent. Un parcours qui fait de lui une légende lors de son arrestation en 1999.

Une vie, un roman

Le roman tiré de sa vie par Julia Rubinstein résume ainsi ces quelques années :

Attila Ambrus a toujours affiché un goût prononcé pour le Johnnie Walker, les voitures de luxe et les filles en pantalon léopard. Arrivant de Transylvanie, il s’est installé à Budapest en 1988 et a cumulé bon nombre de petits boulots : fossoyeur, contrebandier de peaux d’animaux, joueur de hockey professionnel, etc., avant de se dire que le meilleur moyen de joindre les deux bouts serait sans doute de braquer des banques. Attila est alors devenu un véritable gentleman cambrioleur, poli et plein de charme, ne versant jamais une goutte de sang, offrant des fleurs aux employées des banques qu’il dévalisait et laissant des bouteilles de champagne à l’attention de ses poursuivants. Dans un pays gangrené par la corruption la plus surréaliste, en pleine transition entre la fin du communisme et l’irruption d’un capitalisme sauvage, prétexte aux absurdités les plus délirantes, notre homme est vite devenu un héros national, surnommé « Le Robin des bois des pays de l’Est ».  – Editions Sonatines

En s’évadant de prison six mois plus tard à l’aide d’un bricolage digne de MacGiver, Attila Ambrus, nuque longue et chemises imprimées, gagne définitivement ses  galons d’anti-héros des années 90. Il est à nouveau écroué en 2002 et condamné à 17 ans de prison. C’est pendant sa détention que Julian Rubinstein, l’un des chefs de file du « journalisme littéraire » a pu échanger avec ce sympathique bandit pour construire une biographie romancée aussi palpitante que véridique.

 

L’écrivain américain a su se glisser à la perfection dans la peau de ce personnage, raconter ses difficultés d’intégration en Hongrie avec son accent sicule, son envie de tout faire et de tout essayer, et surtout cette Hongrie hantée par le passé, où l’argent était au centre de toutes les préoccupations, où les opportunités tant espérées ne naissaient pas et où la politique mafieuse ne faisait que déposséder le peuple. Un contexte politique et économique nébuleux dans lequel Attila Ambrus a cherché à tâtons le bonheur et l’argent, avec son propre style.

Libéré pour bonne conduite en 2012, il est aujourd’hui âgé de 47 ans, et travaille comme céramiste dans une petite ville de Hongrie. Le roman de Julian Rubinstein,  Ballad of the Whiskey Robber, est paru en anglais en 2004 et une version audio a été publiée peu de temps après.  Le livre, plusieurs fois primé, est aujourd’hui traduit en français et publié chez Sonatines.

Si plusieurs rumeurs de film ont déjà couru en Hongrie, on sait aujourd’hui que les droits ont été achetés en vue d’une production américaine, avec Johnny Depp dans le rôle d’Ambrus. 

La balade du voleur de whiskey, Julian Rubinstein, traduit de l’anglais par Clément Baude, Sonatines, 2014, 420 p., 22 €

Marion Decome

Ancienne membre de la rédaction de Hulala.

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