La marche des fiertés LGBTQ qui s’est déroulée samedi à Budapest a mobilisé plus fortement que les années précédentes, en raison de la campagne homophobe lancée par le Fidesz de Viktor Orbán. Reportage.
(Budapest, Correspondance) – Combien étaient-ils en ce samedi 24 juillet à défiler dans Budapest pendant plus de trois heures en soutien aux associations LGBTQ qui organisaient la 26ème Budapest Pride ? 15 000 ? 20 000 ? Il y avait en tout cas énormément de monde qui a dansé et chanté entre la place Madách et le quartier du Tabán sous un soleil brûlant et une étroite protection policière. A l’arrivée, Máté Hegedűs, organisateur de la manifestation et militant LGBTQ annonçait 30 000 personnes, un chiffre historique que n’avait pas connu la capitale hongroise depuis de nombreuses années.
Il faut dire que, cette 26ème marche des fiertés hongroise revêtait un caractère particulier. L’an dernier, en raison de la situation sanitaire, la manifestation avait eu lieu en ligne. Mais, en ce mois de juillet, la mobilisation a été massive après le vote, jeudi 8 juillet, de la loi interdisant la diffusion de contenus sur l’homosexualité auprès des mineurs. Une loi qui, sous prétexte de renforcer la lutte contre la pédophilie, stigmatise surtout la communauté homosexuelle.
Pour une fois, le jusqu’au-boutisme de Viktor Orbán a réveillé la Commission Européenne qui, par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, a expliqué étudier le lancement d’une procédure d’infraction contre la Hongrie si Orbán ne revenait pas sur cette loi « honteuse ». Elle a surtout menacé de ne pas valider le plan de reprise hongrois de 7,2 milliards d’euros conçu pour faire face à la crise économique due au Covid -19. Une menace qui a poussé Orbán à annoncer l’organisation d’un référendum sur la question… pour l’année prochaine !
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« Nous sommes ici pour dénoncer cette loi homophobe et aussi faire pression sur Orbán pour qu’il la remette dans un tiroir », explique Bogi, étudiante à Budapest, venue au défilé avec ses ami(e)s. Drapeau arc-en-ciel sur son T-Shirt noir sur lequel est inscrit « Sexuality isn’t a choice », elle attend aussi beaucoup de l’Europe pour faire céder Orbán. « Voilà des mois qu’il multiplie les attaques contre la communauté LGBTQ avec, entre autres, la modification de la Constitution pour interdire l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel, où il a fait mentionner qu’un père est un père et une mère est une mère ! C’est inadmissible ! », poursuit-elle.
« Si tu ne résistes pas, tu te fais avoir », résume Eugueny qui souhaiterait « une bataille plus politique et moins festive ».
Dès le départ de la manifestation, Terry Reintke, coprésident de l’Intergroupe LGBTI du Parlement européen, a abondé en son sens en affirmant qu’en plus des milliers de personnes rassemblées pour cette Budapest Pride, c’est toute l’Europe qui avait les yeux braqués sur la Hongrie. « Nous sommes aussi ici contre la haine, le démantèlement de l’Etat de droit et la vague autoritaire », a-t-il dit.
Au milieu des très nombreux drapeaux arc-en-ciel et banderoles colorées, les associations tentaient de trouver leur place tant bien que mal. Parmi elles, les Pink Blokk, nouvelle organisation qui revendique une lutte plus radicale contre la politique homophobe d’Orbán. « Si tu ne résistes pas, tu te fais avoir », résume Eugueny qui souhaiterait « une bataille plus politique et moins festive ». Il remarque toutefois avec satisfaction que, cette année, la récupération des différentes « marche des fiertés » par les grandes marques publicitaires sont terminées. « A New York, on devait payer pour participer à la manifestation », rappelle-t-il.
Dans la manifestation où plusieurs délégations diplomatiques avaient pris place à titre individuel, une famille belge, drapeau national sur les épaules, saluaient les manifestants. Horst, le père, enseignant en éducation physique issu de la minorité germanophone, expliquait être venu au défilé avec sa femme et ses enfants pour dénoncer la politique d’Orbán qui, selon lui, « ne respecte plus les valeurs de l’Europe ».
Escortée tout au long du parcours par de très nombreux policiers, la Budapest Pride n’a connu aucun incident comme beaucoup le redoutait après l’annonce de contre-manifestations tout au long du parcours. Seule, à l’entrée du pont de la Liberté et devant l’hôtel Gellert, une petite centaine de militants d’extrême droite, contenus par des barrières anti-émeutes gardées par des policiers, agitaient des banderoles homophobes « Stop LGBTQ Pédophilie » et voulaient en découdre. Hurlant « sales gays » et « Ria-Ria-Ria Hungaria », tout en pointant des doigts d’honneur, ils n’ont finalement pas été aperçus par les manifestants.
« Je suis hétéro. Je suis papa. Je suis chrétien, mais je me dois d’être ici » – Gergely Karácsony.
A la fin de la manifestation à Tabán, où la foule se pressait sur les pelouses, les orateurs se sont succédé pour se féliciter de la réussite de cette 26ème Budapest Pride. Vladimir Lucuria, premier homme politique italien transgenre a expliqué que « Budapest est aujourd’hui la plus importante fierté d’Europe » et Bernadett Szél, députée et présidente du groupe LMP à l’Assemblée hongroise, a souligné que « le plus grand courage en Hongrie aujourd’hui est d’oser être soi-même ». Gergely Karácsony, le maire écologiste de Budapest, a également pris la parole en déclarant : « Je suis hétéro. Je suis papa. Je suis chrétien, mais je me dois d’être ici ». Candidat (bien placé) à la primaire de l’opposition qui désignera en septembre l’adversaire de Viktor Orbán aux prochaines élections législatives d’avril 2022, Gergely Karácsony a, d’une certaine façon, lancé la campagne électorale. « Commençons le changement ensemble », a-t-il dit sous les applaudissements.