Projet de loi Diplomatie en Pologne : « rajeunissement des cadres » ou « purge » ?

Le 14 mars, le gouvernement polonais ultraconservateur de Beata Szydło a accepté un nouveau projet de loi visant à éliminer des services diplomatiques toute personne qui, avant 1989, a collaboré avec la police secrète[1]Służba Bezpieczeństwa, « service de sécurité ». La loi ne s’appliquerait pourtant pas à tout le monde, puisque Droit et Justice (PiS) prévoit d’épargner ses protégés de ses conséquences.

Le projet de loi a été présenté au gouvernement par le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski qui prône un « rajeunissement des cadres » dans le service diplomatique. La nécessité d’une telle loi a été aussi confirmée par la première-ministre Beata Szydło qui se dit « assurée que ce projet de loi améliorera le fonctionnement de la diplomatie polonaise ».

« Projet scandaleux » selon l’opposition

L’ex-vice-ministre des Affaires étrangères, Rafał Trzaskowski de la Plate-forme civique (PO), qualifie le nouveau projet de loi de « scandaleux » : il estime qu’une telle loi n’est ni plus ni moins un moyen de faire « une purge » dans le service diplomatique. Selon lui, le gouvernement vise à se défaire de toute personne « qui pense autrement que l’équipe au pouvoir, afin de les remplacer par les siens ».

M. Sławomir Nitras, le vice-ministre des Affaires étrangères dans le « cabinet fantôme » de PO, estime que le gouvernement va ainsi licencier des employés très compétents du service diplomatique. D’après lui, la loi stipule que tous les contrats avec les membres du corpus diplomatique seront résolus six mois après l’adoption de la loi. Le ministère proposera alors de nouveaux contrats aux personnes choisies.

« Affaire Przyłębski » : doubles standards de Droit et Justice ?

Le gouvernement Droit et Justice essaie quand-même de ne pas mettre en danger les siens, dans la mesure où de nombreux protégés du parti au pouvoir ont aussi collaboré avec le régime de la République Populaire de Pologne. L’Affaire Przyłębski en est le cas : Andrzej Przyłębski, ambassadeur de la Pologne à Berlin, choisi à ce poste par le PiS, a lui aussi un passé qui n’est pas tout à fait propre. Son dossier personnel, découvert récemment dans les archives de Poznań, indique notamment qu’il collaborait avec le service de sécurité dans les années 1979-1980.

M. Przyłębski n’avait cependant pas renseigné la Commission de Lustration sur son engagement. Il affirme avoir « oublié » le fait qu’il avait signé le 11 juin 1979 le document qui l’obligeait à collaborer avec la police secrète. « Même si j’ai signé, c’était sous la menace de ne pas obtenir de passeport ou même d’être relégué des études pour la distribution des écrits anticommunistes », indique-t-il dans une interview pour le magazine wPolityce.pl.

Le projet de loi ne concernera-t-il pas l’ambassadeur Przyłębski ?

L’Institut de la mémoire nationale (IPN) examine également le cas de M. Andrzej Przyłębski. Selon la direction de l’Institut, l’enquête peut durer jusqu’à six mois. Et justement, si la loi est adoptée dans le Parlement polonais, concernera-t-elle l’ambassadeur de Pologne à Berlin ? Le chef du ministère des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, annonce qu’Andrzej Przyłębski ne sera pas pris en considération au jour de la nouvelle loi tant que l’enquête menée par l’IPN sera en cours.

Pour l’instant, la situation laisse présager que Droit et Justice fera tout pour préserver de licenciement le diplomate. Celui-ci est dans la vie privée l’époux de Mme Julia Przyłębska, cheffe du nouveau Tribunal Constitutionnel, désignée par le président Andrzej Duda le 21 décembre 2016. Dans une interview, Andrzej Przyłębski s’est dit sûr que la découverte des documents qui le compromettent était liée à l’attitude de son épouse. Celle-ci a plusieurs fois considéré comme conformes à la Constitution toutes les résolutions proposées par le PiS au sujet du Tribunal Constitutionnel, alors qu’elles avaient toutes été bloquées par son prédécesseur, M. Andrzej Rzepliński (président du Tribunal dans les années 2010-2016).

La nouvelle loi sur le service étranger ne s’adresse visiblement pas à tout le monde : les employés de la diplomatie choisis par le Droit et Justice n’ont rien à craindre, contrairement aux diplomates liés à l’opposition ou les indépendants. La question de doubles standards se pose désormais au sein de l’État polonais.

Notes

Notes
1 Służba Bezpieczeństwa, « service de sécurité »
Przemysław Kossakowski

Doctorant à l'Institut de Philologie romane de l’Université de Gdańsk, traducteur.