ONU : « La rhétorique raciale de M. Orbán est de plus en plus délirante »

Alors qu’en Hongrie la propagande gouvernementale se tourne désormais contre les Nations-Unies et sa politique « pro-immigration« , le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a réitéré ses accusations de « racisme » visant Viktor Orbán. Dans un éditorial en date du 6 mars que nous reproduisons ci-dessous, il écrit « qu’il est temps de résister aux intimidateurs de M. Orbán« .

Le Courrier d’Europe centrale reproduit ci-dessous une traduction d’un texte écrit par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, et publié en anglais sur le site internet des Nations Unies le 6 mars 2018.

La semaine dernière, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a déclaré qu’il était « diffamatoire » et « inacceptable » de ma part d’appeler son Premier ministre un raciste. Il a affirmé que j’avais « accusé la Hongrie d’être comparable aux pires dictatures du siècle dernier » et exigé que je démissionne.

Qu’avais-je dit ? « L’état de sécurité est de retour, les libertés fondamentales sont en recul dans toutes les régions du monde, la honte est en recul, les xénophobes et les racistes en Europe rejettent toute pudeur – comme le Hongrois Viktor Orbán qui a dit plus tôt ce mois-ci « nous ne voulons pas que notre couleur … soit mélangée à celle des autres. » Ne savent-ils pas ce qui arrive aux minorités dans les sociétés où les dirigeants recherchent la pureté ethnique, nationale ou raciale ?

Et je réitère chacun de ces mots.

Le discours de M. Orbán, le 8 février, devant un groupe de conseils municipaux, était une déclaration claire de racisme. C’est une insulte à toute femme, homme et enfant africain, asiatique, moyen-oriental ou latino-américain. La croyance selon laquelle mélanger les races crée une souillure indélébile et préjudiciable était autrefois répandue dans de nombreux pays ; Dans certaines parties des États-Unis, ainsi qu’en Afrique du Sud, les lois de métissage étaient partie intégrante de l’humiliation et de l’oppression des personnes qualifiées de « races inférieures ». Mais cette époque est révolue depuis longtemps – ou devrait l’être. L’entendre être exprimé sans vergogne, par le chef d’un pays moderne de l’Union européenne, devrait indigner chacun d’entre nous.

Mais nous nous habituons à voir cette haine attisée pour des profits politiques. Et c’est le fond de commerce de Viktor Orbán. Le dernier recensement indique 1 064 hommes et 260 femmes d’Afrique vivant dans toute la Hongrie ; un total de 10 559 personnes de toute l’Asie ; et apparemment si peu du Moyen-Orient qu’elles n’ont même pas été comptées. Mais M. Orbán a réussi à dépeindre les Musulmans et les Africains comme une menace existentielle à la culture hongroise – une menace qu’il prétend être orchestrée par le financier hongro-américain George Soros. L’année dernière, une enquête dite consultative du gouvernement hongrois a propagé une série de mensonges sous la forme de questions telles que « George Soros veut convaincre Bruxelles de réinstaller chaque année au moins un million d’immigrants d’Afrique et du Moyen-Orient sur le territoire de Union européenne, y compris la Hongrie : Êtes-vous d’accord avec cela ? »

La rhétorique raciale de M. Orbán est de plus en plus délirante : dans son discours sur l’état de la nation du 18 février, il a déclaré que M. Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « avait récemment laissé entendre qu’il avait lancé il y a quelques années un programme secret d’élevage d’une race humaine ressemblant à Soros, ou – comme ils le disent modestement – si je peux prononcer le terme, Homo sorosensus… Je me suis rendu compte que, de leur point de vue, du point de vue des gens de Soros, nous, autochtones, qui avons notre propre pays, notre propre culture et notre propre religion – des choses pour lesquelles nous lutterons bec et ongles – sommes des individus voués à la damnation« .

La culture d’une mentalité de persécuté parmi les populations majoritaires est un marqueur de l’ethno-populisme d’aujourd’hui. Il crée un sentiment accablant de rancune et désigne un exutoire à cette rage. Et cela renforce le pouvoir. Selon une étude réalisée par le Pew Research Center en 2016, 72% des Hongrois ont une opinion défavorable des Musulmans, le taux le plus élevé en Europe. Ce soutien à la posture d’Orbán sur les migrants l’aide à faire avancer sa vision d’une « démocratie illibérale » gouvernée « non pas par un champ de forces dualistes entraînant des débats interminables et diviseurs » mais par « un grand parti au pouvoir, une force centrale qui sera en mesure d’articuler les questions nationales, sans les querelles permanentes. »

[…]

Alors oui, j’ai appelé ce Viktor Orbán de plus en plus autoritaire – bien que démocratiquement élu – un raciste et un xénophobe. En fait, je ne l’ai pas comparé aux dictateurs du XXe siècle, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’exemples autour de nous aujourd’hui des horreurs qui surviennent lorsque les minorités sont vilipendées ou maltraitées. Et non, je ne démissionnerai pas « sans délai« , comme l’exigeait une lettre de son ministre. Parce qu’il est temps de résister aux intimidateurs de M. Orbán. La haine est une force combustible, et il ne gagnera pas, pas en Europe, et pas aujourd’hui.